MEGADETH (usa) - Peace Sells...But Who's Buying ? (1986)
Label : Combat Records / Capitol Records
Sortie du Scud : novembre 1986
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 36 Mins
Que tous les fans de MEGADETH me donnent un peu de leur attention, et répondent à cette question. Quel reproche majeur peut-on faire à chaque album de la bande à Mustaine ? La réponse, hum ???
Oui, je t'ai entendu toi dans le fond, et tu as raison. C'est quasiment un postulat, une évidence mathématique. Sur chaque sortie des ricains, c'est le même schéma. Un, voire deux titres très forts, et du remplissage, beaucoup de remplissage, pénible parfois.
Et si je vous pose cette seconde question. Quel est le seul album à déroger à cette règle, avec panache ?
Vous l'avez dit.
Peace Sells...But Who's Buying.
Deux ans après son éviction de METALLICA, Dave à encore plus la rage. La haine d'avoir été foutu à la porte de ce qui va s'avérer être un des plus gros groupes de Metal de tous les temps, et un des plus influents et créatifs de plus. On appelle ça le syndrome Pete Best. Le pas de bol suprême, le plantage en beauté. Et comme Best qui fut limogé pour cause de décalage de personnalité, la hargne suintante de Dave lui causera sa place. Tout ça à cause d'un sale clébard et d'une tendance à l'égocentrisme poussée. Mais que James et Lars aient à l'époque reproché cela à Dave fait bien sourire maintenant, surtout après avoir visionné le parangon de narcissisme que représente l'auto-analyse en direct qu'est Some Kind Of Monster.
Le fait est qu'à cause de ce licenciement abusif, Dave à toujours vécu dans l'ombre des quatre de Frisco, calquant jusqu'au mimétisme son approche de la musique agressive sur celles de ses ex grands frères.
Sans y parvenir.
Mais aussi pessimiste et sombre qu'ait été la musique des Four Horsemen, ils n'ont jamais réussi à sortir un disque aussi dégoulinant de méchanceté que Peace Sells. Laissons à Dave son chef d'œuvre, dont il fut le seul responsable. Ou presque.
Revenons un peu en arrière. En 1985, alors que METALLICA a déjà "inventé" le Thrash (Kill'Em All, un des premiers albums les plus surestimés de l'histoire du Metal...), et l'ait fait progresser, techniquement, et harmoniquement (Ride The Lightning, presque impeccable...), un gang de quatre fous furieux, pas si inconnus que ça, se permettent de balancer à la face du monde un début de carrière tonitruant, sans limites, ni de mauvais goût, ni de vitesse, ni d'ironie.
Si Killing Is My Business...And Business Is Good fut loin d'être au dessus de tout soupçon (son insupportable, compos parfois bâclées, facilité d'écriture un peu trop emplie d'auto-mansuétude...), il avait le mérite de passer pour un crachat Proto-Punk-Thrash dénué de tout scrupule, et faisant la nique à bien des formations établies.
Mais prenons-le pour ce qu'il fut, une carte de visite hargneuse, un brouillon écrit pour foutre les jetons, un essai/tentative/avertissement génial et gratuit.
Car on savait à l'époque que M. Mustaine avait bien plus de choses à dire, et mieux qui plus est.
Ce qu'il fit.
On ne peut rêver ouverture plus maladive de jalousie et de terreur que "Wake Up Dead". Métaphore (à mon humble avis) de son limogeage de METALLICA, cette sympathique bluette sur fond d'adultère liquoreux a profondément choqué à l'époque. A cent lieues du gentillet "Battery" de ses homologues californiens, Mustaine ose la provoc' immédiate, et touche le pactole. Pas encore atteint de sa future maladie chronique qui consistera à changer de musiciens comme de dealer, il a l'idée géniale de garder à ses côtés ses acolytes du premier effort, et force est d'admettre qu'il fit le bon choix. Le jeu de batterie solide et inventif de Gar Samuelson (reconverti après son départ en négociant de tapis...) met formidablement bien en relief les compos surréalistes de son tyran de leader, et la guitare de Chris Poland, volubile mais jamais bavarde, est l'écrin parfait pour des structures alambiquées.
Mais ce qui frappe le plus sur cet album, plus que le chant geignard et sadique de Dave, plus que ses soli épileptiques qui renvoient à chaque intervention le trop gentil Kirk à ses chères études, c'est la basse sèche de Dave Ellefson, tendue comme une corde à piano, lourde et pourtant quasi Punk, essentielle au support rythmique d'un compositeur qui ne s'est fixé aucune barrière. Ecoutez simplement "The Conjuring" pour vous en rendre compte, car le décalage entre les riffs pervers et cette quatre cordes incendiaire est frappant.
Et le "Obey !" final résonne encore comme une ultime invective de soumission.
Mais la pièce fatale, le jeu de carte truqué, le genre d'hymne que seul le rouquin haïssable reste capable de produire, c'est bien sur le pamphlet anti-américain ultime, dont il se délecte encore live presque 25 ans après, "Peace Sells", son "Anarchy In The UK" à lui (même s'il reprendra ce titre des SEX PISTOLS un tout petit peu plus tard...).
Une intro dont Sid Vicious n'aurait jamais osé rêver, une première partie haletante, exsudant la méchanceté par tous les pores, avant un mantra final sur fond de Thrash-Punk ridiculisant GBH et tous les autres, sorte de cavalcade de l'enfer qui aurait bien plus mérité le sobriquet de Four Horsemen qu'un autre groupe dont j'ai soudain oublié le nom.
Mais à cette époque là, Mustaine ne se contentait pas d'un seul sans faute. Et "Devil's Island", avec ses faux airs de BLIND ILLUSION avant l'heure, traduit un complexe 70's noyé dans une puissance inhérente aux 80's.
Seconde face, et première occasion de se réjouir, l'énorme "Good Morning/Black Friday", et ses arpèges d'intro doucereux, qui ont du tomber plus d'une fois dans l'oreille de TESTAMENT. Fantastique titre à tiroirs, jetant ses oripeaux comme on pèle une orange, ce morceau est au même titre que "Peace Sells" une célébration du talent de Dave. On passe par toutes les impressions possibles, avec l'insécurité comme leitmotiv, un peu Hard-core, vilainement Speed, avant de finir par se vautrer dans le Thrash le plus fatal, lors d'un final que bon nombre de combos peu inspirés ont tenté de décalquer. Dieu que la voix de Dave vous secoue l'échine jusqu'à vous faire tomber les côtes une par une...
"A merciless butcher who lives underground, I'm out to destroy you and I will cut you down."
Et le pire, c'est qu'on le croit.
Mais la syncope permanente de "Bad Omen"...Trait de génie, inspiration divine (satanique ?), ou simple passage de témoin ? On ne le saura jamais toujours est il que ce morceau fascine, emporte, louvoie, ment, provoque une succession de réactions épidermiques tout en se lâchant méchamment au bout d'un peu plus d'une minute. Encore un must de composition schizophrène. Pour le moins.
On savait Chris Poland fan de Jeff Beck, MEGADETH entérine cet héritage par une reprise de la reprise de Willie Dixon, "I Ain't Superstitious", festival de guitares affamées, blues euphorique que le quartette désosse pour en retirer la substantifique moelle, et la transformer en carnage Jazz-Blues-Thrash de première bourre. Des réminiscences de Killing Is My Business sur un final laminoir, et on repart de plus belle.
On s'achève sur "My Last Words", dont le titre hautement symbolique représente le plus bel épilogue dont cet album pouvait songer. Une fois de plus la recette fonctionne à merveille, et le chant de Dave se fait plus plaintif, presque implorant, tandis que la rythmique jette ses dernières forces dans la bataille.
Que dire pour conclure...
On pourrait gloser des heures, fantasmer sur un retour en arrière, sur une correction temporelle qui aurait fait que Dave soit resté parmi les siens...Quelle dimension aurait pris METALLICA avec en son sein, trois compositeurs et instrumentistes tels qu'Hetfield, Ulrich et Mustaine... A quoi aurait ressemblé Ride The Lightning si Mustaine y avait contribué directement...
On ne le saura jamais. Et c'est tant mieux serais je tenté de dire...
D'un monstre est né deux créatures immenses, connaissant un destin quasi similaire au départ, mais si éloigné au final. A-t-on récompensé les meilleurs ?
Et le malheur est que l'inconstance de Mustaine rend la réponse positive.
Car après ce chef d'œuvre, rien ne fut plus jamais vraiment pareil. Dave a engendré le meilleur (Countdown To Extinction, Rust In Peace), le très bon (So Far, So Good...So What ?, Youthanasia, Endgame), mais aussi le pathétique (Risk, dont il s'est déchargé de la paternité sur le pauvre Marty qui n'en demandait pas tant, le pitoyable The World Needs A Hero... Et j'en passe), mais jamais, au grand jamais, il n'a renouvelé l'exploit de réussir un album parfait de bout en bout.
Alors bien sur, des réussites majeures, mais sur un ou deux morceaux ("Hangar 18", "Holy Wars", "Set The World A Fire", "Symphony Of Destruction", etc...), rien de plus. Des changements de line-up en veux-tu en voilà, pour finir en héros déchu, qui ne peut espérer remonter sur scène avec ses anciens comparses qu'à l'occasion d'un clin d'œil au passé (cf la jam sur "Am I Evil" du DVD du Big4).
Mais nous sommes quelques un, des millions oserais je dire à nous souvenir qu'en cette belle année 1986, nous avions contre toute attente choisi le camp du méchant.
Qui au final, n'était peut être pas celui qu'il fallait pointer du doigt...
Ajouté : Mercredi 09 Mars 2011 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Megadeth Website Hits: 9914
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