Nous sommes en l’anno dominis 1992 et le trio NIRVANA vient de passer un sérieux cap dans sa carrière en devenant une machine «bankable» pour sa major Geffen qui se frottera les mimines. Un énorme succès commercial non démenti jusqu’à ce jour pour les américains et largement mérité avec ce Nevermind. On ne pourra pas en dire autant de l’excellent groupe Helvète de SAMAEL.
Le succès, ils le connurent bien que plus tard lorsqu’ils amorcèrent un virage musical à 360° en adoptant un style résolument plus Atmosphérique et plus Dark. Mais à cette période, le trio suisse comprenant les frères Vorph (guitares, chant) et Xy (batterie, claviers) accompagné par Masmiseîm (basse) officiaient dans un tout autre genre, plus underground dirons nous. Ayant vu le jour cinq ans auparavant, le trio en est déjà à sa seconde réalisation de Black Metal lourd, surtout en pariant sur la continuité de son premier opus Worship Him, qui sans démériter et sans prétention, certes, ne cassait pas trois pattes à un canard. Ce n’est donc qu’avec Blood Ritual, leur second opus et leur meilleure livraison studio de leur époque Black Metal lancinante que le combo se fera un nom sur la scène européenne et internationale.
Bénéficiant d’une musique bien plus raffinée et travaillée que son prédécesseur, SAMAEL gagna en maturité tout en exploitant à juste titre l’apport des nappes de synthés et des nouvelles textures de guitares que la fratrie découvrait au gré des expérimentations. Deux transmutations typiques et distinctives qui deviendront par la suite une des marques de fabrique du groupe. En premier lieu, des atouts, SAMAEL en regorge. La triade suisse peut ainsi s’appuyer sur plusieurs points. Déjà, le chant sépulcral de Vorph fait son petit effet. Les grognements et feulements y sont légions et plutôt glaçants. Ensuite, les compositions de Blood Ritual sonnent incontestablement de manière accablées, mélancoliques, pesantes, venimeuses, ténébreuses, inquiétantes. Leurs riffs aux résonances Thrash ne sont pas sans rappeler les influences à la CELTIC FROST qui ne sont pas bien loin. L’atmosphère est pesante et parfois carrément morbide sur certains morceaux de l’album. Après un «Epilogue» de quelques secondes qui pose les fondations qui craquelles la bâtisse SAMAEL, le démon helvétique enchaîne avec un «Beyond The Nothingness» diabolique et caverneux, à l’ambiance sépulcrale. Et on ne fait pas les fiers à l’écoute de «Poison Infiltration» où les vocaux de Vorph sont abruptement possédés.
D’ailleurs, la piste suivante, «After The Sepulture», aux contours insalubres et contagieux, nous contaminent de cette maladie qu’est le Black épuisé et décrépi du trio de SAMAEL. Accablant, ce morceau illustre parfaitement l’ambiance générale de ce Blood Ritual. Sinueuses et fielleuses, les compositions flirtent sensiblement avec le Doom de l’infect «Macabre Operetta». Macabres et malsaines tant sur le fond que sur la forme, Vorph, Xy et Masmiseim ne s’emploient guère à proposer des pistes agressives et véloces sauf sur le titre éponyme qui ne reflète pas le contenu global de l’opus. Black puissant, incantatoire et possédé, aux riffs justes et calibrés, les compositions et les inspirations sont de qualité. Par la suite, avec l’interlude «Since the Creation» SAMAEL offre l’impression de rentrer dans une nouvelle ère, où les riffs se font plus durs comme sur l’excellente «With The Gleam of The Torches».
Suivie d’un morceau au piano «Total Consecration» et son atmosphère néfaste et froide, SAMAEL s’amuse à jouer avec les sensibilités les plus éloignées. Une impression que l’on note facilement avec «Bestial Devotion» que nous propose la triade helvète.
Enregistré et produit en octobre 1992 au studio TNT par une figure symbolique du milieu, Waldemar Sorychta (TIAMAT, MOONSPELL, THERION, UNLEASHED), le groupe y déploie un rendu sonore caverneux de plomb. Blood Ritual est certainement l’opus qui mis le pied à l’étrier au groupe Suisse et le propulsa sur le devant de la scène. Un grand album de Black Thrash minimaliste aux compositions léchées et soignées.