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JEAN-PASCAL FOURNER (FRA) - Illustrateur (Jan-2003)


Jean-Pascal Fournier est un professionnel de l'illustration spécialisé dans le Metal en ce qui concerne les pochettes de CD et la création de logos. On sent un retour des pochettes peintes et c'est tant mieux. Nous avons donc saisi l'occasion de poser quelques questions à cet artiste français au talent déjà démontré dans son travail fourni auprès des meilleurs...
Retrouvez toutes ses illustrations et logos sur son site (en lien en bas d'interview).



Metal-Impact. Peux-tu te présenter car beaucoup doivent te connaître sans le savoir car en effet, tu as réalisé près d'une trentaine de pochettes plus ou moins connues...

Jean-Pascal Fournier. J'ai réalisé très exactement 43 pochettes d'albums depuis mes débuts fin 1996, je ne compte pas celles qui sont encore à venir pour cette année. Beaucoup connaissent mon travail par rapport à mes projets les plus importants tels que les deux pochettes d'EDGUY et d'AVANTASIA, la pochette d' "At the Heart of Winter" et de l'édition limitée de "Damned in Black" d'IMMORTAL, de mes travaux pour IMPALED NAZARENE, DIABOLICAL MASQUERADE, MYSTIC CIRCLE, BEWITCHED, TRISTITIA, NIGHTMARE, YEARNING... et j'en passe...
Malheureusement, tous mes projets ne sont pas aussi prestigieux que ceux-ci, mais l'essentiel pour moi en tant qu'artiste commercial, est d'avoir du travail en permanence quel qu'en soit l'importance...
Sinon j'ai 30 ans, et cela fait maintenant un peu plus de 20 ans que j'écoute du Metal, je connais donc assez bien ce style de musique et l'imagerie qui lui est liée...

MI. Quels procédés utilises-tu pour tes réalisations et combien de temps cela te prend en moyenne ?

JPF. A mes débuts, lorsque j'avais plus de temps devant moi, j'utilisais des peintures à l'huile qui permettent un niveau de finesse et de fondu plus convaincant mais elles sèchent très, trop lentement, parfois sur une ou deux semaines entière suivant l'épaisseur de la couche. Aujourd'hui, et face à la pression des délais, je n'utilise plus que de la peinture acrylique, que j'applique soit au pinceau soit à l'aérographe, qui sèche instantanément, mais qui possède un aspect plus "mat" et moins brillant que l'huile. Cela me permet de ne plus perdre de temps entre chaque séchage de couches et je peux ainsi terminer une illustration en 4 jours, parfois une, voir deux semaines pour les motifs les plus complexes, en sachant que mes premières illustrations me monopolisaient environ un mois entier à mes débuts, c'est donc plus rentable, tout en fournissant un rendu de qualité équivalente. Cela vient aussi du fait que ma technique s'est sensiblement améliorée depuis 7 ans, je maîtrise et prévois davantage les moyens techniques à mettre en œuvre pour parvenir au résultat désiré ou envisagé, je commence aussi à comprendre comment réagit la lumière et l'ombre sur chaque élément donné, compte tenu de mes observations sur la nature elle-même, cela fait partie du cycle de progression, j'imagine, même si j'ai encore énormément à apprendre, surtout en ce qui concerne les techniques ancestrales des anciens maîtres, qui sont pour le moins tenues secrètes ou divulguées au compte-goutte...

MI. Tu es plutôt traditionnel dans ton travail car tu n'utilises pas l'outil informatique, pourquoi ce choix ? Cela pourrait être complémentaire, non ?

JPF. L'apparition de l'informatique dans les arts graphiques a eu de nombreux effets pervers, notamment celui de diviser les prix par deux en dix ans, car les travaux étaient tellement spectaculaires au niveau du rendu, que les décideurs, qui ne connaissaient pas forcément la différence entre infographie et traditionnel, se sont tous rués sur cette manne financière inattendue car cela leur permettait d'avoir des visuels extraordinaires selon eux, en trois fois moins de temps et pour trois fois moins cher. Le traditionnel s'est ainsi vu être complètement décrédibilisé car il ne pouvait pas, bien évidemment, fournir les mêmes niveaux de prestations, tant au niveau du rendu plastique que du contenu, certains effets liés à des filtres informatiques, sont en effet impossibles à rendre en peinture ou par tout autre moyen, sauf si on est un génie avec une technique surnaturelle…
Du coup cette tendance du nivellement par le bas s'est répercutée sur le secteur du traditionnel, c'est pourquoi on en vient aujourd'hui à accepter des commandes pour des couvertures de livres à moins de 300 Euros, ce qui était inimaginable il y a encore 5 ans de cela. Mais il semblerait que la tendance se renverse et que de plus en plus de gens soient fatigués du style clinique et impersonnel de ces images et veulent voir de la vraie peinture pour le côté "artistique" et "authentique" que cela dégage, ceci étant, il m'arrive parfois de retoucher certaines de mes images avant leur parution, pour gommer quelques défauts ou accentuer certains contrastes, mais cela va rarement plus loin que ça, bien que je maîtrise aussi assez bien l'outil informatique et certains logiciels de retouches photos, il m'arrive aussi parfois de faire moi-même la mise en page de la couverture, quand j'ai également créé le logo du groupe en question...
Ceci dit, l'outil informatique est idéal pour tous les travaux de graphismes comme la mise en page ou la création de logos, j'utilise d'ailleurs cet outil pour finaliser tous les logos que je fais. Mais je ne fais pas d'illustrations avec, je préfère la sensation d'un vrai pinceau et puis étaler de la peinture sur un support est quelque chose de complètement charnel...

MI. D'où te vient généralement l'inspiration pour réaliser une pochette ?

JPF. Je dirai de la vie courante elle-même et de mes divers centres d'intérêts, en particulier pour tout ce qui touche aux domaines du fantastique, du surnaturel, de la science fiction et du romantisme morbide. Je collectionne tout un tas de revues ou de livres sur des sujets aussi divers que variés, par exemples les serpents, les armures de la renaissance, les oiseaux migrateurs ou les temples incas, ceux-ci pouvant constituer mon matériel de référence de base dans le cas d'une commande spécifique.
Je réfléchis également beaucoup lors des différentes phases préparatoires pour trouver un concept intéressant et à la manière la plus efficace dont je peux faire évoluer celui-ci pour qu'il soit à la fois graphiquement réalisable tout en ayant la sensation de raconter une histoire, ensuite je me documente pour les sujets difficiles à retranscrire et qui nécessitent une documentation appropriée. Le reste est du domaine de l'imagination et de ma perception personnelle par rapport à un sujet donné...

MI. As-tu déjà subi la censure ?

JPF. Oui cela m'est déjà arrivé, cette décision est venue du distributeur allemand lui-même. C'est incroyable de constater comme ces braves gens, d'habitude si "evil" avec leurs T-shirts pleins de croix et de têtes de diables dans tous les sens deviennent soudainement prudes et offusqués quand une pochette ou deux sortent de leur ordinaire moral ou esthétique. Pour des soi-disant métalleux, ils ne prennent pas beaucoup de risques, ils doivent sûrement se remémorer leur passé d'enfants de chœur ou de fidèles paroissiens de campagne.
L'intérêt de telles pochettes vise surtout à savoir si nous sommes réellement dans un pays libéral avec une vraie liberté d'expression ou non, et également de savoir si la séparation de l'église et de l'état est réellement effective dans notre pays ou si c'est du bidon comme le reste. Puis de comparer ce même phénomène à l'échelle des pays voisins pour voir qui sont les plus cool et les inonder par la suite de projets tout aussi scandaleux… [Rires]
Pour moi, l'art n'a d'intérêt que si il bouscule les consciences, amène à réfléchir sur nos conditions d'êtres humains, si la provocation doit être le moteur de tout cela, alors je conduirai bien volontiers cette voiture...

MI. La pochette d'Immortal a été le déclencheur de ta carrière, raconte-nous comment cela c'est passé ?

JPF. C'est vrai, c'est une commande qui m'a ouvert pas mal de portes par la suite, et des bonnes. Je consultais mes mails de la journée lorsque un message sobrement intitulé "Immortal" et provenant d'Osmose Productions a tout de suite attiré mon attention, j'ai d'abord pensé que c'était une pub, je l'ai ouvert et celui-ci m'annonçait qu'Immortal voulaient s'essayer à la pochette peinte pour leur prochain album et que j'étais l'heureux élu. C'est vraisemblablement Hervé qui leur avait avancé mon nom, car il avait beaucoup apprécié la pochette de la réédition d'Ugra Karma d'Impaled Nazarene. J'ai d'abord cru à une blague, il m'a fallu un bon moment pour réaliser l'ampleur de la chose, il y avait un mélange de joie et aussi de stress, car il fallait maintenant que j'assure... Je suis allé le soir même me bourrer la gueule avec des amis pour fêter l'événement.
Les jours suivants j'ai commencé à faire des croquis de mes idées, un premier croquis a été refusé, il a fallu que je recommence tout de zéro. Je me suis ensuite creusé la tête pour finalement trouver ce concept qui a emporté l'adhésion du groupe. Pour éviter trop de pression inutile, j'ai décidé d'appréhender cette pochette comme n'importe quelle autre, en essayant de donner le meilleur de moi-même et de la fignoler dans ses derniers détails jusqu'à ce que j'en soit totalement satisfait et ne rien devoir regretter par la suite.
Pour l'anecdote je travaillais à l'époque dans un sous sol non chauffé qui me servait d'atelier, en plein hiver, avec pleins de pulls et un anorak sur moi, par des températures avoisinant les 5 ou 6 degrés maximum, j'étais donc bien dans l'ambiance du projet à tous les niveaux. Je crois que j'ai mis trois semaines à plein temps pour l'achever, l'hiver suivant, je me suis acheté un chauffage électrique...

MI. Comment en es-tu venu à vouloir en faire ton métier ?

JPF. Face à l'accroissement des commandes et des revenus sans cesse plus importants engendrés par celles-ci, il m'a rapidement fallu acquérir un statut et ainsi régulariser ma situation en terme d'imposition surtout, c'est pourquoi j'ai opté pour le statut de travailleur indépendant, ce que les anglophones appellent "free-lance", il fallait me professionnaliser pour pouvoir, ne serait-ce que facturer convenablement mes travaux aux clients en respectant la TVA etc... Mais j'ai quand même du exercer une autre activité salariée en parallèle pendant au moins trois ans pour pouvoir vivre et régler mes factures, je n'avais pas d'autres solutions...
Se mettre à son compte est quand même une aventure assez périlleuse car il faut voir loin et à long terme, et puis je ne voulais pas devenir un fonctionnaire du dessin en intégrant une structure salariée quelconque et devoir rendre des comptes à qui que ce soit toute la journée, car je suis essentiellement solitaire et individualiste...

MI. Tu arrives à en vivre et à t'en sortir financièrement depuis que tu t'es mis à ton compte ?

JPF. Plus ou moins, je crois que la destinée de l'artiste quel qu'il soit est de vivre dans la nécessité, ce n'est pas une légende et je m'en suis bien vite aperçu. Ceci dit tout est relatif, les problèmes ont été les paiements différés de plus de 65 jours de la part des clients, et les revenus à échéances indéterminées et non pas mensuelles comme ailleurs dans tout travail salarié avec sécurité de l'emploi à la clé.
Aujourd'hui, je ne fais plus que de l'illustration à temps plein, naturellement j'ai plus de temps devant moi donc je peux aborder les commandes au fur et à mesure, les terminer plus rapidement, et ainsi gagner un peu mieux ma vie, mais je mets un point d'honneur à fournir de la qualité quel que soit le montant en jeu, c'est sur ce point que se fait, je pense, la différence avec les images produites sur ordinateur.
Mais ça va, je ne pense pas manquer de travail pour les 2 ans à venir, si je prends en compte les clients satisfaits qui voudront probablement refaire appel à mes services, plus les nouveaux noms et projets issus du bouche à oreille, ça devrait aller...

MI. Sur quoi te bases-tu pour tes tarifs ?

JPF. Sur la rumeur et le renseignement, si je sais que tel directeur de label ou tel membre de groupe possède une villa avec piscine à Hawaii ou un yacht en Norvège, je n'hésiterai pas à lui faire casquer le prix fort car il peut se le permettre. En revanche je conçois tout à fait qu'il soit difficile à un jeune groupe de sortir une somme supérieure à 600 Euros pour une pochette seule, et je serai prêt à leur concéder des avantages dans ce cas comme je l'ai déjà fait souvent auparavant, sauf si, bien sûr, le personnage possède des tatouages énormes en couleur sur les bras et qu'il râle sur le prix, je lui dirai poliment d'aller se faire foutre, un CD reste plus longtemps dans l'histoire qu'un bras, aussi décoré soit-il...

MI. Tes travaux se restreignent-ils seulement au milieu de la musique Metal ?

JPF. Pour l'instant oui, il est vrai que je ne fais pas trop d'efforts pour élargir mes domaines d'interventions. J'ai récemment fait quelques couvertures de livres d'horreur pour un éditeur allemand. Mais le marché de l'illustration de livre est littéralement effondré compte tenu de ce que je dit plus haut avec le problème infographique. Je préfère donc rester à faire des couvertures de Metal qui sont sensiblement mieux rétribuées et pour lesquelles les délais sont moins courts et contraignants.
Je m'essaye également au custom painting à l'aérographe sur guitares, mais il me faudra encore du temps et un peu d'apprentissage supplémentaire pour tirer pleinement bénéfice de cette nouvelle activité...
De plus, le Metal, bien que j'écoute aussi d'autres styles, est le seul style musical avec lequel je sois totalement en osmose, tant sur le plan graphique qu'émotionnel. J'écarte donc naturellement des styles comme la Techno, le rap, le néo, le trip-hop, le glam-rock, le grunge si ça existe encore, styles auxquels je suis totalement réfractaire et qui n'ont pas, de toutes façons, grand intérêt pour les pochettes d'album peintes...

MI. Tu dis aimer la nature mais cela ne se reflète pas forcément dans tes oeuvres (sauf peut-être celle de Rain "Natural Order"). Comment expliques-tu cela ?

JPF. C'est assez vrai pour mes premiers travaux jusqu'en 2001, dans mes illustrations les plus récentes je m'efforce de plus en plus d'y faire référence. J'habite au pied des montagnes alpines, la montagne est un élément omniprésent de mon environnement quotidien, ainsi que la forêt, dont je ne pourrai pas me passer d'ailleurs. Naturellement, j'essaye d'inclure ces éléments dans mes oeuvres, d'ailleurs, certains paysages et certains sommets représentés sont parfois inspirés d'endroits que je connais...
Il est vrai que je vais de plus en plus en plus à l'avenir tenter d'introduire cette composante naturelle dans mes commandes et privilégier également les thèmes historiques ou mythologiques, bien plus intéressants pour ma culture personnelle, pour, à terme, m'écarter des démons apocalyptiques de l'enfer et autres conneries de ce genre... Ou alors les démons s'entretueront à la montagne, parmi les sapins et les massifs de fleurs, le sang parait beaucoup plus rouge sur la neige...

MI. Tes réalisations ne sont pas très présente dans le Death Metal mais plus dans le Black ou Heavy ect... Quel est ton opinion là dessus ? Est-ce volontaire ou c'est ton imagerie qui ne convient pas au style ?

JPF. C'est vrai, je ne m'étais encore jamais posé la question, c'est vrai qu'à part GARDENIAN, je n'ai pas bossé pour des groupes typiquement de ce style, le plus souvent c'est pour des groupes ayant une prédominance Black, voir Heavy/Black, mais rarement totalement Death Metal.
Je n'ai pas d'a priori négatif sur ce style, même si je n'en écoute plus du tout aujourd'hui, je n'oublie pas que j'étais à fond à l'époque dans les premiers ENTOMBED, AMORPHIS, HYPOCRISY, CANCER, DISMEMBER, DEATH, DEICIDE, PYOGENESIS, RITUAL CARNAGE.
C'était une bonne période, c'est certain, mais ce style tourne en rond depuis trop longtemps, et il est moins apte à se régénérer thématiquement et musicalement que le Heavy selon moi, ne serait-ce que pour le caractère inchangeable des vocaux et des riffs de gratte typiques. Quand à son imagerie, elle est essentiellement tournée vers le gore, ce qui n'est pas fait pour me déplaire, je crois qu'il me manque une pochette bien gore et scandaleuse à mon palmarès, avis aux groupes de Death !

MI. Question que l'on a dû te poser pleins de fois, si tu devais choisir un groupe ou un artiste avec qui souhaiterais-tu travailler ? Et pourquoi ?

JPF. Ca serait des groupes dont je suis fan, comme SAXON, RUNNING WILD, PRETTY MAIDS... Mais ils travaillent déjà avec de très bons artistes, d'ailleurs Running Wild devraient rappeler Marschall, Pretty Maids devraient recontacter Petagno, Paul Gregory fait toujours de l'excellent boulot pour Saxon...
J'ai contacté Kai Hansen de Gamma Ray mais il ne m'a jamais répondu, je pense que tout viendra en son temps, ça fera partie des bonnes surprises, comme pour Immortal ou Edguy en son temps...
Je n'aime pas trop solliciter les gens, je préfère que ce soit le contraire, je ne veux pas être en position de quémander quoi que ce soit...

MI. Quels sont tes regrets professionnels ?

JPF. M'être défoncé à faire ce que je considère comme étant parmi mes meilleures pochettes pour un certain label français de région parisienne et de constater le peu de reconnaissance qu'ils me témoignent en retour, sans doute par excès de snobisme, ou par misanthropie.
Je regrette aussi le fait de n'avoir finalement pas pu faire la pochette d'EXCITER en son temps, et les conditions peu franches et pour le moins floues de cette annulation. Enfin je regrette que Rod Smallwood, le manager d'Iron Maiden, ne daigne pas lever son cul, prendre son téléphone, et m'appeler pour la pochette du prochain MAIDEN, c'est vraiment dommage car je suis super motivé ! (et quand on est motivé, en général, on fait du super bon boulot...).
Ceci étant je ne me plains pas, j'ai 30 ans et les autres illustrateurs ont au moins une quinzaine d'années de plus que moi, voir plus pour certains, je suis encore jeune en comparaison...

MI. Quelle est la pochette dont tu es le plus et le moins fier ?

JPF. Je ne renie aucune d'entre elles car elles correspondent toutes à une certaine période de ma vie et ca reviendrait également à privilégier un enfant en particulier plutôt qu'un autre. Ceci dit il fût un temps, par manque d'opportunités et de commandes, ou j'étais pratiquement dans l'obligation d'accepter tout et n'importe quoi pour pouvoir enquiller les couvertures et grossir mon pressbook en travaux édités à montrer, à défaut de grossir mon porte monnaie, j'ai donc accepté des projets de mise en couleur à partir du dessin d'un autre, comme ce fût le cas pour la pochette de Dementia.
J'ai aussi du concéder certaines illustrations déjà prêtes à des tarifs ridiculeusement bas pour des groupes que je ne connaissais absolument pas et pour lesquelles mon style ne collait pas non plus comme ce fût le cas pour la pochette de Mother Negative, un groupe australien de pop-core bizarre.
Parmi mes pochettes préférées figurent celles de YEARNING (les deux), RAIN "Natural Order", les deux AVANTASIA, celle de POWERQUEST et celle du nouveau MYSTIC CIRCLE, "Damien", dont l'issue éditoriale m'a valu quelques nuits blanches et une très grosse envie de ne plus jamais travailler pour un groupe de Black Metal quel qu'il soit, mais c'est une histoire compliquée.
Il faut savoir que cette pochette a été "simplifiée" par ordinateur, par rapport à mon original qui fait partie de mes originaux préférés et que j'accrocherai certainement au mur de mon salon un jour...

MI. J'aime quasiment toutes tes pochettes ou presque mais j'ai une petite préférence pour celle de Gardenian et celle de Bewitched. Peux-tu nous compter l'histoire de celles-ci ?

JPF. Ah bon ? c'est surprenant, je veux dire, je ne renie aucune de mes pochettes, loin de là, mais ces deux là sont plutôt anciennes, je pense faire beaucoup mieux depuis, Gardenian est chronologiquement mon troisième travail édité après DEMONIAC et DIABOLICAL MASDQUERADE. Ca a été un travail composé dans l'urgence, il m'a fallu rendre le projet, crayonné inclus, en trois ou quatre jours, je voyais quelque chose de plus abstrait que d'ordinaire, une image insolite, bizarre, non conventionnelle, qui pousse à l'interrogation du spectateur. C'était peut-être trop de tout ça car cette pochette n'a pas vraiment été appréciée à l'époque. On attendait peut-être de l'hyperréalisme, que je n'aurai pas pu faire dans un aussi court laps de temps, je n'ai eu aucun écho de la part du groupe non plus...
Pour Bewitched, je n'ai rien fait d'autre que de représenter la porte de l'enfer à ma manière, j'avais bien sûr à l'esprit la fameuse sculpture de Rodin, je voulais une porte très détaillée, baroque, qui paraisse extrêmement lourde, d'où ce foisonnement de détails, je pense que c'est une erreur de ne pas avoir mis le logo du groupe sur cette pochette, nul n'est censé connaître le symbole des 2 boucs, j'aime beaucoup cette illustration, surtout cette teinte ocre Jaune générale. L'original a été vendu à Hervé (le boss d'Osmose), il doit trôner fièrement quelque part chez lui en ce moment, s'il ne l'a pas déjà vendu à des japonais, j'espère seulement qu'il ne l'a pas exposé dans ses toilettes...

MI. Quels sont tes goûts musicaux en matière de Metal ?

JPF. Très traditionnels, j'ai abandonné tout intérêt pour les musiques extrêmes et je crois que le seul groupe de ce style que je peux continuer à apprécier comme avant est Satyricon avec ses 3 premiers albums, Bathory aussi, Acheron et Summoning quelquefois.
J'ai laissé tomber tout le reste, je m'intéresse également à la scène Doom lyrique, j'adore Candlemass, Count Raven, Witchfinder General, Pentagram, naturellement je suis fan absolu de Black Sabbath, toutes périodes confondues, et de la NWOBHM avec les Saxon, Damond Had, Praying Mantis, Jaguar, Rock Goddess, Savage etc...
Je suis également fan inconditionnel d'un groupe canadien nommé KICK AXE qui a sorti 3 albums monstrueux mais très méconnus au milieu des années 80, et des premiers RIOT. J'adore PRETTY MAIDS, RUNNING WILD, GRAVESTONE, WARLOCK également et le Heavy français des années 80 avec en tête Warning, H Bomb, Vulcain, Nightmare, Lonewolf, Voie de Fait, etc...
Sinon je crois que mon groupe préféré est RAINBOW, j'adore aussi DEEP PURPLE et DIO par voie de conséquence, les JUDAS PRIEST et OZZY OSBOURNE des débuts, le vieux Hard rock des UFO, URIAH HEEP, MSG, SCORPIONS également beaucoup, ainsi que du Hard FM couillu à la TOBRUK, FOREIGNER, TREAT, SHY, BALANCE, BAD ENGLISH, GIANT, LORDIAN GUARD, PAT BENATAR...
J'aime aussi beaucoup écouter des guitaristes instrumentaux comme Tony Mac Alpine, Vinnie Moore, Yngwie Malmsteen, George Lynch etc... Surtout depuis que je me suis remis sérieusement à la guitare. Sinon j'apprécie la plupart des groupes de "True Metal" contemporains comme Edguy, Hammerfall, Stratovarius, Gamma ray, Steel Attack, Manigance, Morifade, Falconer, Grave Digger, Warlord etc... Même si je suis conscient que l'originalité n'est plus du tout au rendez-vous mais du moment qu'il y a un riff qui tue, je suis preneur.
En fait j'écoute du Metal toute la journée en peignant mes illustrations et j'espère bien continuer comme ça, ce mode de vie me convient tout à fait, c'est la bande-son idéale...

MI. Te sens-tu obligé d'aimer ce que fait le groupe pour pouvoir réaliser une bonne pochette ?

JPF. Non, ce n'est pas une condition sine qua none, tant que ca reste du Metal, Heavy, Black, Death, Doom, Dark ou autres, avec un bon état d'esprit général, de la motivation perceptible de la part des membres du groupe et parfois juste même une identité intéressante, sans aucune connotation politique trop marquée ou avouée, ca me convient tout à fait. Il faut aussi que le groupe soit un minimum établi.
Mais je t'avouerai que, par exemple, pour certains groupes et albums de Black/Death pour lesquels j'ai bossé récemment, j'ai tout juste osé poser poliment une oreille sur le CD, juste pour information de quoi il s'agit, mais sans plus, parfois même je n'ai jamais écouté le CD en question. Je ne donnerai pas de noms car ils risqueraient de m'en vouloir à mort, mais la vérité est là, ce style en particulier me laisse froid, indifférent, je n'ai plus du tout le grand frisson comme en 1994. Cependant je suis toujours attaché à l'iconographie qui tourne autour tant qu'ils ne me demandent pas de faire des démons apocalyptiques sortants de l'enfer bien sûr... Quitte à faire dans le futur des pochettes de Black, autant insister sur le côté polémique et la provocation car je crois que c'est la finalité cachée et inavouée de ce style, et là, oui, ça m'intéresse, car j'aime me défouler aussi de temps en temps sur un projet scandaleux, c'est mon côté anarchiste...

MI. Vas-tu souvent en concert ? Si oui, quel est le dernier en date et comment cela s'est-il passé ?

JPF. Oui, assez souvent, une fois tous les deux mois environ. Mon dernier concert en date était celui de Akin/Griffin/Sinergy/Dark Tranquility à Lyon, j'aurai voulu aller voir celui de Doro la veille dans la même salle mais il avait été annulé pour cause de mévente de tickets. C'est dommage, j'aurai largement préféré voir Doro live car je suis un fan de Warlock de la première heure, je me suis donc rabattu sur celui-ci sans grand enthousiasme.
Akin était pas trop mal dans un style médiéval/atmosphérique avec instruments traditionnels assez osés surtout une des chanteuse (je m'excuse pour la bière sur les vêtements, on m'a bousculé...). Griffin était complètement inintéressant, j'avais hâte que cela finisse pour tout dire, c'était lourdingue. Sinergy c'était sympa, du bon Heavy rentre-dedans comme j'aime, même si le son n'était pas vraiment top, quand à Dark tranquility, je ne suis personnellement plus trop concerné par leur musique, il n'empêche que les mecs ont fourni un show excellent, les fans ont du se régaler...
Mon prochain concert sera sûrement celui de Hammerfall / Masterplan / Nostradameus à Lyon, j'aime voir Hammerfall live, c'est toujours un grand moment, très festif, comme dans les années 80...

MI. Que penses-tu des illustrateurs comme Luis Royo ou Brom ?

JPF. C'est remarquable, tous deux ont leur style, leur patte, qui fait qu'on les reconnaît entre mille, de plus leur style est particulièrement bien adapté à l'imagerie Heavy Metal, ce qui, du coup, est préjudiciable aux artistes qui réagissent à la commande au coup par coup dont je fais partie.
Je m'explique, certains labels, notamment italiens et espagnols n'hésitent pas à "piller" littéralement le catalogue d'œuvres déjà existantes, surtout de Royo et également de Ciruelo Cabral, moyennant un droit de reproduction moindre par rapport au prix d'une commande spécifique et exclusive. Ils se retrouvent, certes, avec une superbe pochette d'un artiste ultra renommé, à moindre frais, le seul problème est que, souvent l'illustration choisie a déjà été utilisée pour un autre groupe comme c'est le cas, par exemple pour la pochette du groupe GEASA qui est la même que celle d'AT VANCE, et les exemples ne manquent pas... Les artistes, les directeurs artistiques devraient être beaucoup plus vigilants car ce n'est pas très crédible, on risquerait de confondre les styles. [Rires]
Mais cette idée de "self-service/servez-vous c'est pas cher et y'en aura pour tout l'monde" est une notion de plus en plus présente dans nos sociétés et ce à tous les niveaux, donc cela ne m'étonne pas plus que cela en fin de compte...
J'aime beaucoup les atmosphères morbides et parfois romantiques des illustrations de BROM, c'est un grand artiste au sens noble du terme, une sorte d'héritier des peintres historiques du 19ème, sauf que les mondes qu'il dépeint sont imaginaires, il travaille également tout à l'huile, et ça aussi c'est remarquable pour de l'illustration et ses contraintes inhérentes...

MI. Quel est ton opinion sur la religion (cf. la pochette d'Arkon Infaustus), du satanisme et de sa représentation dans les pochettes ?

JPF. Je pense que le satanisme dans le Metal devient un non-sens total, une ineptie et notamment en ce qui concerne les groupes de Black ou de Death qui sont censés haïr la religion chrétienne mais qui, finalement, la glorifie en y faisant sans cesse référence. Du coup, ça lui donne une importance qu'elle même ne soupçonnait plus. Je ne pense pas que le christianisme soit encore une menace viable, à en voir l'état pour le moins déplorable et pitoyable du pape le soir du 24 décembre dernier, cette religion s'éteindra d'elle même, toutes les prophéties vont dans ce sens. [Rires]
Par contre, je suis beaucoup plus préoccupé par les dangers occasionnés par les actes divers des deux autres grandes religions monothéistes de par le monde...
Pour ce qui est de la pochette d'Arkhon Infaustus, celle-ci est pour moi certainement moins choquante que l'iconographie chrétienne traditionnelle proposée, voire imposée, depuis des siècles, visant à représenter un homme se tordant de douleur et cloué sur une croix, sanguinolent avec une couronne d'épines qui lui transperce la tête et une plaie béante sur son flanc qui pisse le sang ... Mais cela n'engage que moi, bien sûr.

MI. Que fais-tu des pochettes après les avoir peintes, tu les exposes, tu les gardes ou tu les vends ?

JPF. Je les jette, avec mes rasoirs, mes capotes et mes mouchoirs usagés car on est dans la civilisation du jetable [Rires]. Non je plaisante, mes originaux, dont je reste propriétaire après leur parution (je ne vends que les droits de reproduction de l'image), sont stockés chez moi, désormais à l'abri.
Je n'en fais rien de particulier, je ne suis pas très favorable à l'idée d'exposition, sauf si c'est quelque chose d'envergure qui permet la vente massive de ceux-ci et une certaine publicité à grande échelle. J'aimerai pouvoir les vendre en tant qu'objets décoratifs à des particuliers, fortunés si possible, mais la crise du marché de l'art est telle que de moins en moins de gens achètent des peintures originales, donc, par voie de conséquence, des originaux d'illustrations.
Il faut savoir que l'illustration et ses dérivés (BD, Heroic Fantasy) sont considérés comme un art "mineur", voir "dérisoire" par les décideurs de l'art actuel, ce qui est regrettable bien entendu... Mais tous ceux-ci peuvent être vendus sans problème si quelqu'un le souhaite...

MI. Quels sont tes projets immédiats et qu'est-ce que l'on peut te souhaiter pour l'avenir ?

JPF. J'ai environ 3 à 4 projets confirmés pour ce début d'année et jusqu'à environ avril 2003. Parmi lesquelles le nouveau Steel Attack, mes potes de Lonewolf et leur nouvel album à paraître en mars 2003, un groupe norvégien de power Metal qui s'appelle Gaïa Epicus avec Morty Black de TNT, groupe dont je suis fan à la base, un groupe suédois qui se prénomme Orphan Gypsy. Mystic Circle m'ont déjà réservé pour leur prochaine pochette, c'est pas encore cette année que je vais chômer...
Sinon, j'aimerai bien payer énormément d'impôts, pour ce que cela sous-entend, avoir un chat ou deux avec un bon niveau socioculturel pour pouvoir jouer aux échecs avec, un barbecue neuf avec des potes neufs autour pour cet été, une cave à vins avec une bonne température, une compagne elfe comme dans le Seigneur des Anneaux...

Je te laisse la bafouille de la fin...

JPF. Ah oui, j'ai bien l'intention de monter un spectacle de danse, de comédie musicale et de théâtre contemporain sur le thème de la pollution maritime et qui devrait s'appeler "enfant prodigue, fils du destin, de l'huître et de la lumière, individu polymorphe, né d'une conque et d'un crustacé, ton avenir à jamais menacé par les soutes souillées d'un pétrolier battant pavillon sénégalais", j'ai constitué une petite troupe dynamique et motivée avec: Sam Sagace, Musengroin, L'ancien, Lézeau, la bête, Rosie Colton, Boutondor, Barbancon, Balinette et Zorba le Grec dans le rôle du dompteur d'huîtres. Je t'y invite, toi et toute ton équipe pour te remercier de l'initiative de cette interview, longue vie à ton webzine, à la cancoillotte à l'ail, au Metal, et aux côtes de la mer Atlantique...


Ajouté :  Mardi 14 Janvier 2003
Intervieweur :  Blasphy De Blasphèmar
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