Quoi de plus sensé et de plus sagace pour BLUT AUS NORD que de qualifier sa dernière trouvaille sonore Odinist, The Destruction of Reason by Illumination. Surtout lorsque l’on a l’esprit que Odin laissa son œil (d’où la front cover) à la fontaine Mimir en échange de la sagesse et vola la poésie à un géant pour l’offrir aux Dieux et aux Hommes. Alors, BLUT AUS NORD, sang du Nord, ultime bastion de la sagesse comportementale et du souffle Black Metal ?
Incontestable ovni dans le paysage musical hexagonal de l’extrême, cette organisation est l’une des rare entité musicale à avoir compris l’essence même du Black Metal. Individualisme, isolement à travers des concerts inexistants et n’accordant que très peu d’interviews, la chimère aliénée en la personne de Vindsval retourne avec cette sixième déconstruction musicale à des fondamentaux du sacrosaint Metal noir. La principale conséquence en est que Odinist se dévoile comme étant plus épique et cadencé que ces prédécesseurs, opérant par la même une sorte de retour aux sources suite au difficile d’accès et expérimental mais pour autant novateur MoRT. Volontiers brouilleur de pistes, les normands ne reculent devant rien pour faire progresser leur concept et repousser leurs propres limites de l’expérimentation. Musique abstraite, sans codes prédéfinis, insensible aux règles et aux conventions, intense maelstrom étonnant et insaisissable. Ecce la définition de la musique de BLUT AUS NORD. Avec ces sonorités si symptomatiques et saillantes, Les empereurs du Post Black Metal, même si cette appellation paraît quelque peu réductrice et emphatique, le sens de l’écriture et de la mise en place d’arrangements demeure intact et pur.
Des créations macabres du combo on retient avant tout les désharmonies sonores, les rythmiques escarpées faite de riffs, le trio, atteint d’une sinistrose chronique s’avère avoir toujours deux coups d’avance sur la multitude en tournant le dos aux courants dominants, faisant de leur œuvre musicale une perpétuelle recherche bruyante sous fond de remises en questions continuelles. Tour à tour excentriques et angoissantes, les compositions malsaines et chaotiques des ermites français trouvent toute leur saveur durant cette grosse demi-heure de déconstructions musicales. Moins enclin sur Odinist… à mettre en exergue leurs visions expérimentales, BLUT AUS NORD insiste plus sur l’aspect charnel et organique avec cinq des sept pistes ici présentes. Les plages d’ouvertures et de clôtures «An Element of Flesh» et «The Cycle of The Cycles» sont les seules pistes électroniques et atmosphériques de ce recueil lugubre. L’énorme précaution et soin comme d’habitude arborée par les lignes de guitares et les percussions s’accordent au diapason à la thématique inchangée des français : primitifs, obscurs et nébuleux, les titres se veulent tantôt fantomatiques et glaciaux avec pour illustration «Odinist», tantôt sublimes, homériques et mélodiques comme «A Few Shreds of Toughts» emporté par des guitares grinçantes et dansantes comme des flammes crépitantes. Les hommes du Calvados insufflent également une brutalité sommaire et glauque avec la bourdonnante et absorbante «Mystic Absolu» côtoyant la désincarnée et désossé «Ellipsis».
Une œuvre majeure de Vindsval et sa horde, à rapprocher de leurs premiers travaux pour ce qui est de ce retour à des arrangements plus mélodiques et sans pour autant perdre de leur noirceur ni de leur froideur coutumière. Un album convaincant couleur ébène, aux ambiances tourmentées bien plus égal et complet qu’il n’y paraît. Exit pour un temps les envolées expérimentales et Ambient, BLUT AUS NORD a semble-t-il opérer une sorte de bain de jouvence, une introspection égotiste de leurs propres canons extrêmes. Un nouveau pas dans l’univers BLUT AUS NORD qui se pose définitivement comme l’une des formations les plus authentiques et compétentes de ces dix dernières années.