OOMPH! (de) - Unrein (1998)
Label : Virgin Records
Sortie du Scud : 2 mars 1998
Pays : Allemagne
Genre : Electro Indus Metal
Type : Album
Playtime : 14 Titres - 70 Mins
Il nous est déjà tous arrivé de la revoir. Vous vous souvenez de cette sale gamine aux bras potelés, à la mâchoire carrée, qui martyrisait les petits mecs dans la cour de l'école primaire. Il lui arrivait souvent de jurer comme un charretier, de frapper dans les épaules, et ses profs lui voyaient une grande carrière de technicienne de surface. Et alors on la revoit, vingt ans après, au détour du rayon "surgelés" au Leclerc de Noirmoutier, maquillée comme une voiture volée, presque désirable au final. Sa vie est plutôt bien réglée. Bon job, beau mec, bonne paye. On appelle ça "déjouer les pronostics". Quand OOMPH! s'est lancé dans la bataille, en 1989, personne n'aurait misé un kopeck sur une reprise du "Smalltown Boy" des BRONSKI BEAT vingt-trois années plus tard, de même que personne n'aurait pu imaginer que le trio de Wolfsburg puisse étinceler de pareille manière sur la scène Metal internationale (bien qu'éternellement dans l'ombre de RAMMSTEIN, si pareille comparaison se peut concevoir) avec des albums aussi décontractés et colorés que Des Wahnsinns Fette Beute (2012) ou plus récemment, l'éminemment accompli XV (2015). On appelle ça "déjouer les pronostics". Pour comprendre la source d'un conflit adulte, il faut comme bien souvent remonter à la source du désordre adolescent, et il apparaît comme une certitude qu'Unrein, paru en 1998, fut le dernier opus clairement rebelle d'OOMPH!
Car si vous êtes coutumiers des derniers méfaits de nos amis teutons, peut-être connaissez-vous moins leur passé cradingue et borderline. Question de contexte, j'imagine. Pour resituer un peu, RAMMSTEIN, en 1998, venait tout juste de sortir son deuxième album, Sehnsucht, alors qu'OOMPH! mettait déjà bas pour la cinquième fois. Qui de l'oeuf ou de la poule… ? Bref, d'une époque où l'EBM (KRAFTWERK chef de gare) s'incorporait à merveille dans des sonorités métalliques, OOMPH! est parvenu à en faire une religion, précisément grâce à Unrein. Musique post-industrielle, Dark-Electro ou Neue Deutsche Härte, on peut coller plusieurs étiquettes à cet album, mais aucune n'est finalement assez représentative de la "glauquosité" du rendu final, écrasant rouleau-compresseur qui avance lentement, de tout son poids, sur les sensibilités de chacun. Leurs refrains édulcorés d'aujourd'hui n'avaient, à l'époque, aucunes raisons d'être. On partait davantage sur une homélie macabre, un pamphlet visqueux et détestable débité d'une voix sépulcrale (Dero ne chantait pas encore, il vociférait, puis chuchotait, puis vociférait, puis chuchotait) matérialisé dans sa plus pure saleté par "Unsere Rettung", le titre le plus puissant et anxiogène de l'album. Claviers entêtants, guitares tranchantes, refrain hypnotique, dès la deuxième chanson, les allemands accentuent le travail de fond réalisé sur Wunschkind et dévoilent leur vision de l'Arcane Sans Nom ; transformation et séparation. "My Hell", gros foutoir imprévisible, oscille entre poésie et brutalité en quelques secondes sans qu'on n'y comprenne rien pendant que "Gekreuzigt" étale toute sa classe perverse, loin, très loin du réenregistrement immonde qui en a été fait en 2006 pour compléter la face A de leur single The Power Of Love, reprise au répertoire de FRANKIE GOES TO HOLLYWOOD. Pourtant, au-delà de son côté électro-gothic assumé, Unrein propose aussi quelques prémices de ce qui sera la future orientation musicale du groupe. Tendez l'oreille et vous découvrirez avec "Anniversary" un titre beaucoup plus classique dans sa structure, un titre qui aurait pu avoir sa place sur Wahrheit Oder Pflicht. Par ailleurs, la balade "Foil" se rapproche elle aussi, à un degré moindre, des chansons au coeur mi-coulant, mi-croquant, que réaliseront le trio quelques années plus tard. Mais sans conteste, si Unrein demeure à ce jour unanimement reconnu comme l'album le plus complexe, le plus riche et le plus sombre d'OOMPH!, c'est surtout pour le réel malaise qu'il dégage. Il y a de la souffrance dans la voix de Dero (quelqu'un qui, comme moi, aura découvert OOMPH! avec "Wahrheit Oder Pflicht" sur la bande-originale de FIFA 2005 n'aurait jamais pu imaginer que Dero puisse "chanter" de telle façon quelques années auparavant !), des nappes de synthés torturés qui vont parfois jusqu'à rappeler les contorsions gothiques d'un DAS ICH (j'en reviens là encore à "Unsere Rettung") et une légère odeur d'éther et de moisi, comme si cet opus, porté par les courants d'air, résonnait encore dans les couloirs d'un vieil asile désaffecté.
Unrein fut quelque part le chant du cygne pour OOMPH!. Le trio de Wolfsburg, qui réalisa par la suite d'excellents albums (et ça vient de la bouche de quelqu'un qui a encensé en ces pages le fantasque Des Wahnsinns Fette Beute, c'est pour dire…) est entré l'année suivante avec Plastik (1999) dans sa phase "jeune adulte", renonçant progressivement à tout esprit d'effronterie, à toute cette impulsivité macabre, ce cynisme métallique qui constitue encore aujourd'hui l'ossature hautement appréciable d'Unrein. Souvenez-vous de cette sale gamine de l'école primaire qui écrasait son poing grassouillet dans le cartilage de votre épaule en riant... Elle est devenue maintenant quelqu'un de respectable. On appelle ça "déjouer les pronostics".
Ajouté : Dimanche 05 Février 2017 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: Oomph! Website Hits: 6700
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