SUMAC (usa) - The Deal (2015)
Label : Sige Records
Sortie du Scud : 3 février 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Post Sludge Noise
Type : Album
Playtime : 6 Titres - 54 Mins
Les musiciens sont parfois de grosses feignasses qui ne concèdent qu'une saillie tous les trois ou quatre ans à leurs fans. Après tout, ça suffit pour remplir les caisses et s'assurer un following live conséquent sur quelques mois. D'autres au contraire, sont de véritables hyperactifs. Outre leur combo d'origine, ils multiplient les apparitions, les guest featuring, les coups de main, les projets annexes. On les trouve souvent hantant les couloirs de styles un peu décalés, en marge, extrêmes. La scène Grind en étant le parangon, d'autres genres n'échappent pas à la règle.
D'ailleurs, c'est souvent fun, léger. Souvent anecdotique, pas forcément recommandable, mais ludique. Et puis quand on aime ou qu'on admire un héros, peu importe la cape qu'il porte après tout. On se plaît à le voir voler au dessus de la masse, ou creuser encore plus profond à chaque fois pour y enterrer ses desseins les plus sombres.
Sombre, Aaron Turner l'est sans conteste. Pour les non initiés, le bonhomme à longtemps mené sa barque noire sur les rivages ténébreux du Post Core, Sludge, et autres excroissances bruitistes. ISIS, ça vous dit quelque chose ? Au même titre que NEUROSIS ou KYUSS (en version light pour ces derniers), ISIS est une référence en matière de digressions alternatives, portées par des guitares toutes en lamentations et dissonances traînantes. Il suffit de penser que des groupes comme CULT OF LUNA ont bâti toute une discographie en se basant sur un seul de leurs riffs pour comprendre toute l'importance de mecs comme Aaron sur la scène internationale. Mais loin de se contenter de cette influence indéniable, et sans jamais se reposer sur des lauriers pourtant confortables, Turner a depuis multiplié les projets, et assemblé des groupes avec une impulsion le confinant à l'instinct de survie.
On le retrouve à la barre de OLD MAN GLOOM, un machin Post évidemment, teinté de Punk bizarre et bancal, et de Mamiffer, ensemble volontiers plus contemplatif. Il aurait pu s'arrêter là, mais c'était sans compter sur sa boulimie de sons et de stridences... C'est ainsi qu'il nous revient en ce début d'année, accoudé à ses potes Nick Yacyshyn (BAPTISTS) au kit et Brian Cook (RUSSIAN CIRCLES), "parfois" à la basse.
Tout ça pour quoi en fait... Est-ce que cette multiplication d'implications possède une pertinence quelconque ? Ne risque-il pas la redite à force de s'investir de la sorte ? La réponse est complexe, comme son approche du bruit/de la musique. Oui, il faut admettre que SUMAC recycle. Un peu. On y retrouve bien sur l'emprunte de OLD MAN GLOOM (le dernier LP du GLOOM et ce The Deal ne sont séparés que de quelques mois), et surtout, l'ombre d'ISIS traînant sur la majorité des pistes. Mais comment aurait il pu en être autrement ? Après tout, avec le même homme responsable de la conception de tous ces morceaux, le contraire eut semblé étrange. Mais là où la chose devient intéressante, c'est que Turner s'est autorisé pour la première fois depuis longtemps (depuis ISIS justement), une percée bruitiste pesante, qui restera sans doute comme un de ses plus hauts faits d'arme. On ne l'avait pas subi aussi venimeux depuis longtemps, et la puissance dégagée par ces six pistes nous souffle vers un passé glorieux... qui nous manque il faut l'avouer.
Noise, Sludge, telle est la combinaison mortelle qui explose à chaque seconde et remplit les recoins de The Deal d'une odeur de souffre étouffante. Si la recette a été éprouvée par Turner depuis la fin d'ISIS et les débuts d'OLD MAN GLOOM, elle est ici portée à son paroxysme, notamment à l'aide d'un son de guitare tellement abrasif qu'il vous décolle les tympans sans ambages et vous appuie sur le thorax jusqu'à l'apoplexie.
Si certains ont cru voir un certain essoufflement dans ce nouveau projet, la preuve par A+B que les idées du leader tournaient à l'obsession et au radotage, c'est qu'ils ont préféré découper l'entité en sous chapitres, ce qui est une erreur.
Certes, chaque morceau semble répéter les images du précédent. Certes, indépendamment, il est difficile de concéder à chaque chanson plus d'une ou deux idées fortes.
Mais une fois la globalité assimilée, on sent que ces idées disparates s'imbriquent les unes aux autres pour former au final une symphonie coinçant la claustrophobie la plus ultime dans un univers encore plus fermé. En gros, la métonymie du désespoir, comme des poupées russes atonales et différentes de quelques millimètres qui se fondent les unes dans les autres.
Pour en arriver là, Turner à bien sur obligé sa guitare à déchirer ses entrailles pour en sortir les sons les plus rugueux de ses composants. Mais il s'est aussi pas mal reposé sur les capacités de son batteur, phénoménal, tant
Yacyshyn malmène ses fûts pour extirper de leur douleur des rythmiques tantôt compactes en diable, tantôt éclatés et éparpillées façons blasts explosifs. Du coup, la puissance émanant de la complicité entre ces deux instruments est terrifiante, et porte le projet à des profondeurs qui semblent peu se soucier de la chaleur émanant du coeur terrestre.
On a déjà entendu de telles déflagrations, c'est un fait. Le Sludge Noisy ne date pas d'hier, mais il atteint sur The Deal un nihilisme qui fait froid dans le dos. Profondément analogique, et aussi étrange que cela puisse paraître, "humain", c'est une sorte de rouleau compresseur étrange, à l'image de cette machine infernale coupant des têtes innocentes dans le traumatique "Caligula" de Tinto Brass. La machine avance, ne semble marquer aucun temps mort, et finit par s'abattre sur vous, impitoyablement. Alors oui, vous pourrez penser que le discours tenu à des airs de déjà entendu, mais une telle absence d'empathie reste aujourd'hui le symbole de sa propre époque.
A vous de savoir si vous supporterez son constat ou pas.
Ajouté : Mardi 10 Mars 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Sumac Website Hits: 5578
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