TRAP THEM (usa) - Blissfucker (2014)
Label : Prosthetic Records
Sortie du Scud : 10 juin 2014
Pays : Etats-Unis
Genre : Monochromatic Punk of Death
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 46 Mins
Déjà le quatrième album pour les flingués américains de TRAP THEM, et trois ans depuis l'excellent petit dernier Darker Handcraft qui avait su rassasier les fans. Si le groupe lui même aime à se qualifier de Monochromatic Punk of Death, l'appellation n'est pas si grotesque que ça. Car en effet, on retrouve de tout chez eux. Si jusqu'à lors, ils avaient surtout mis en exergue le Crust, le Grind et le D-Beat dans une agression ininterrompue, Blissfucker semble marquer le pas, et dégager de nouvelles pistes diablement intéressantes. Une résolution appuyée une fois de plus par la fantastique production de Kurt Ballou.
Car pour beaucoup, le quartette US n'était jusqu'à présent qu'une joyeuse assemblée d'allumés, décidés à mettre le feu partout où ils passaient, sans réfléchir aux conséquences, ni à l'efficacité de leur vandalisme sonore. Il va maintenant leur falloir revoir leur constat, tant ce nouvel effort fait preuve d'une belle avancée dans le terrorisme musical. Exit les raids fiévreux d'antan, exit les braquages bille en tête, place maintenant à la réflexion, aux attentats mûrement préparés, qui certes parfois s'achèvent dans l'horreur et la vitesse, mais laissent la part belle aux ambiances pleinement putrides et sombres.
Les TRAP THEM sont vraiment des petits malins. Si d'ordinaire, n'importe quel gang va placer une bonne partie de ses meilleurs cartouches à portée de main, eux préfèrent les dissimuler en fin d'album, au moment où on ne s'y attend presque plus. Alors que la première partie du disque fait preuve d'un anarchisme classique, presque timoré, la seconde partie est un festival d'idées toutes plus sulfureuses les unes que les autres, qui placent cet album en peloton de tête des explosions de l'année. Un peu à la manière d'un NAPALM DEATH qui remisait son Death Grind au placard pour se baigner dans les eaux gelées de l'Indus dans les 90's, ou de BRUTAL TRUTH qui avec End Time multipliait les traitements extrêmes, TRAP THEM a refusé la facilité, n'a pas voulu nous saturer avec une simple resucée de Darker Handcraft, et gagne le pari de l'évolution haut la main. Certains critiques - éternels esprits chagrins - ont d'ailleurs regretté ce changement d'optique, pleurant sur les bombes du passé qui explosaient tout sur leur passage. Personnellement, je m'enthousiasme de ce choix, car il fait de Blissfucker un album réellement hargneux, inventif, dont la tension ne fait que croître, pour aboutir à une déflagration finale qui vous emporte la mâchoire.
Les débats se déroulent sans encombres jusqu'à "Lungrunners", et développent les thématiques Crust si chères au combo. Le propos est convenu mais efficace, sans réelle surprise, les tempi sont modérés, le chant hurlé mais maîtrisé, et les riffs s'empilent comme autant de pains de C4 sur le pilier d'un ponton. OK, pas de soucis. C'est sobre mais efficace. Mais dès "Organic Infernal", les choses changent. Le discours est martelé d'un ton beaucoup plus affirmé, la distorsion se couvre de dissonances, et la batterie martèle un mid tempo écrasant, soutenu par des lignes acides. On nage en plein Hard Core malsain, autant influencé par la scène NYHC que par les assauts lancinants de l'Indus anglais.
Cette scission est le point de départ d'une approche différente, privilégiant les ambiances poisseuses, les harangues lourdes et redondantes, qui scotchent littéralement l'auditeur à son casque. Si "Sanitations" est roboratif comme un pamphlet récité en boucle, son pattern de batterie hallucinatoire explose les convenances et apporte une énergie incroyable à un ensemble somme toute classique.
"Bad Nones" enfonce un peu plus le câble dans la pâte, et n'est que pesanteur, confinement, à l'image d'un FETISH 69 des jours occultes ou d'un BRUTAL TRUTH vraiment lourd. Basse grondante, vocaux lacérés, charlet grand ouvert, ce sont trois minutes de souffrance qui s'étalent, et ça fait mal.
Tout ça pour aboutir à "Former Lining Wide the Walls", entaille de violence pure, qui alterne le meilleur du D-Beat à des passages Grind incontrôlables, et qui nous malmène pendant un court interlude. Ce titre est sans doute ce qui raccroche le plus TRAP THEM de son passé, tant ses intonations massives et franches nous ramènent à l'époque de Darker Handcraft. Mais croire que les choses sont revenues à la normale serait illusoire, et "Savage Climbers" nous le rappelle sur sept longues minutes.
N'attendez aucune variation, aucun arrangement nouveau, aucun break qui relance la machine, ce titre n'est qu'un gigantesque suspens étouffant qui n'offre aucune issue. Pilonné comme un leitmotiv cruel, il martyrise les oreilles comme un cri sourd relayé par un écho insistant, avant de laisser la place à l'énorme déflagration "Ransom Risen", qui débute comme un appel tribal, avec des percussions menaçantes, avant d'imploser à grand fracas dans un hurlement assourdissant. Ce morceau est un des hauts faits du LP, tant il alterne avec un sadisme incroyable les longs silences à peine striés par une guitare âpre, et les envolées d'ultra violence catapultées par un kit démoniaque et un chant à la limite agonisant. Le tout s'achève dans les cendres, avec une longue coda maladive. Un travail exceptionnel.
Mais il était écrit que TRAP THEM ne s'arrêterait pas là, et Blissfucker de s'achever en beauté sur "Let Fall Each and Every Sedition Symptom", aux accents ENTOMBED prononcés, grouillant comme des insectes sur un cadavre déchiqueté... Un clin d'oeil d'adieu après un plastiquage en règle, comme une dernière pensée vide devant les dégâts causés.
Ce nouvel album, réussite quasi totale, est décidemment très futé... En laissant sur les devants les morceaux les plus convenus, TRAP THEM nous prend par surprise, et nous jette au milieu d'un blitzkrieg dont on ne peut s'extirper, mélange de fureur, de vélocité, et de réelle vilénie musicale, comme le prouvent les derniers instants de "Let Fall Each and Every Sedition Symptom", chaos incroyable qui semble accélérer sans cesse, à la manière d'un "Raining Blood"... Pour s'empaler sur un dernier larsen, pied de nez bruitiste qu'on saura apprécier à sa juste valeur. Avec Blissfucker, les gars nous offrent leur attaque la plus aboutie, clinique, froide, impitoyable, mais terriblement jouissive. Leur style y trouve son apogée, et la suite ne s'en dessine que plus intrigante, et certainement passionnante.
En tout cas, c'est un des plus gros attentats de l'année.
Ajouté : Lundi 28 Juillet 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Trap Them Website Hits: 11346
|