Le Krautrock, vous connaissez ? Derrière ce patronyme peu flatteur (rock-choucroute!) se cache en fait un véritable mouvement musical né en Allemagne à la fin des années 60 avec des groupes comme AMON DUUL II puis KRAFTWERK. Au programme: psychédélisme, synthés et anti-fascisme.

A l’instar de PARADISE LOST qui avait créé le Gothic-Metal en injectant une bonne dose de stéroïdes dans le Gothic-Rock, DIE VORBOTEN prétend ressusciter le cadavre faisandé du Krautrock avec de gros riffs et quelques bonnes gueulantes en guise d’électrochoc. Plutôt ambitieux pour un groupe ayant seulement deux EP à son actif. Mais quand on baptise son groupe « les précurseurs », on peut se permettre d’être ambitieux! Alors, du KRAFTWERK façon Metal, à quoi ça peut bien ressembler? A du bon gros Metal-Indus évidemment! Le Kraut Metal ne serait donc qu’une invention marketing ? Pour 1 kilo de choucroute acheté, 1 album de DIE VORBOTEN offert… Heureusement ce n’est pas si simple. Nos braves teutons officient bien dans le registre Metal-Indus mais avec une forte connotation Heavy à tendance épique. Deux styles musicaux a priori difficiles à marier et qui vont pourtant dialoguer incessamment tout au long de l’album. A chaque intro plombée façon Indus répond un couplet typiquement Heavy avec sa cavalcade de guitares et de double pédale, auquel succède un refrain bien froid et puissant comme on en trouve chez MEGAHERZ par exemple. Histoire de varier un peu, le groupe inverse parfois sa formule en commençant par une intro Heavy à laquelle succède un couplet indus, etc… Mais c’est un dialogue de sourds : au lieu de se renforcer mutuellement, le chevalier en armure et le cyborg passent leur temps à se voler la vedette toutes les 30 secondes, laissant l’auditeur perplexe devant un tel spectacle. A vouloir contenter deux publics aux attentes radicalement opposées, DIE VORBOTEN prennent le risque de frustrer tout le monde. Imaginez: le lance-flammes de Till Lindemann commence à peine à vous cramer les sourcils et paf! James Labrie débarque pour vous jouer la sérénade! Bon ok j’exagère un peu mais, cette étrange impression ne m’a jamais lâché à l’écoute de l’album, m’empêchant de l’apprécier à sa juste valeur. Car il est loin d’être mauvais cet Aufschrei. Sur les 11 titres, un seul est réellement médiocre (« Schreit! »). Sans jamais atteindre les sommets de génie créatif, chaque morceau comporte son lot de bonnes idées. Cette versatilité musicale, si déroutante soit-elle, a au moins le mérite de nous éviter la monotonie, à l’image du claviériste: celui-ci est capable de poser les habituelles ambiances Indus à coups d’effets numériques et autres samples pour enchainer dans la foulée sur un solo dont la vélocité rivaliserait presque avec celle d’une guitare. Et c’est tant mieux car le guitariste n’est vraiment à l’aise que dans le registre le plus martial; tout comme le chanteur.

Pour être considéré comme un précurseur, il faut faire des émules. Et je doute qu’un grand nombre de groupes ne s’engagent dans la voie ouverte par DIE VORBOTEN, leur recette musicale étant bien moins aboutie que celle d’une bonne Zauerkraut allemande. Les curieux pourront néanmoins jeter une oreille sur ce premier effort suffisamment original pour retenir l’attention, à défaut de convaincre.