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SHINING (no) - La Maroquinerie (25/10/10)


Groupes Présents au concert : SHINING + KNUT + CRANKSET + COMITY
Date du Concert : lunid 25 Octobre 2010
Lieu du Concert : La Maroquinerie (Paris, France)

Les programmateurs Garmonbozia et Pousse Elvis sont soit particulièrement facétieux, soit carrément craqués du slip. N’ayant jamais approché les spécimens, je ne peux préciser davantage ce diagnostic que je reconnais un peu rudimentaire. (Mais méfions nous des jugements précipités. Ce n’est pas parce qu’on souffre d’un blaze patibulaire qu’on est forcément un branque). Est-ce là un moyen de se tirer la bourre autour d’un étalon commun ou le résultat d’un piteux pari de poivrot ?… Jugez vous-même : le second convie lundi - hier - le groupe de Black Metal SHINING à la Maro, quand le premier, revanchard, invite mardi - ce soir - SHINING, le groupe de Black Metal, au Glazart. Si j’avais du papier je vous aurais bien fait un dessin, mais je n’ai plus de crayon.
En fin de compte, vous me direz : « de quoi ravir les fans de SHINING » (Le groupe de Black Metal, pour les deux du fond qui n’ont pas suivi) ! Pas de quoi en chier une pendule ! Je vous l’accorde, mais également les fans du groupe de Black Metal SHINING – qui joue le lendemain, mardi... enfin ce soir… au… au Glazart.
Il pousse, Elvis, il pousse ! A s’en faire craquer les boyaux. Le coucou pointe déjà sa tête d’entre les joues de la mariée.
Pendule ou pas, moi j’étais plutôt enthousiaste. J’avais entendu parler de SHINING, le groupe de ? …Black Metal, oui c’est ça… dont le chanteur est affligé d’un TOC assez spectaculaire qui le conduit à s’inciser le corps avec délectation. Pathologie dont il abuse avec malice pour divertir son audience. Grand amateur de sanquette et autres boudins comme d’art contemporain, j’attendais cette performance culinaire et plastique avec appétit. On m’avait aussi vivement conseillé le dernier album de SHINING, le groupe de Black Metal, dont j’ai découvert la belle galette BlackJazz (2010) chez un petit disquaire d’Oslo (ma conscience sociale et écologique me pousse à toujours chercher le produit au plus près de sa source). Les sens en émoi, aiguisés par ce mélange de Black, d’Electro et de Free Jazz j’avais ensuite sauté, sans crier gare, sur The Eerie Cold (2005) croisé dans un vulgaire rayon promo de la FNAC. Un petit coup rapide, sur un coup de tête. Le genre qu’on regrette. Ce que je me suis d’ailleurs empressé de faire …tout en me demandant comment l’on peut passer d’un Black aussi classique, froid et répétitif à ce déluge, ce délire, cette débauche de saxophone, de groove et de breaks en quelques années seulement. Mais les miracles sont légions sur cette terre, la lumière vient parfois frapper les être d’ombre et les élever à la vérité. SHINING serait ainsi à la musique ce que Radovan Karadzic est à la médecine douce, une révélation fulgurante, une transfiguration divine !
Que nenni ! Peau de zob ! Foutre tonnerre, non ! C’eut été trop simple- et de simplicité il ne sera pas question ici, qu’on se le dise. L’un n’est pas l’autre - et réciproquement. Point d’hémoglobine sur le cuivre. Derrière ce nom, qui est aussi celui d’un livre, d’un film, d’un téléfilm, peut être aussi, pendant qu’on y est, d’une recette thaï de soupe aux tripes d’huitres, se cachent en fait deux groupes bien distincts. D’où ma déconvenue à l’écoute de l’album de l’un que je prenais pour l’autre. Le premier, qui jouait hier à la Maro, vient de Scandinavie et joue du Black Metal, l’autre quant à lui, qui jouera demain au Glazart, officie dans un style sombre et violent, le Black Metal, et est originaire des froides contrées scandinaves. Voila qui est plus clair, non ? Comment ça je me fous de votre gueule ?
Peut être ai-je péché par manque de précision, tout au plus. Vous bourrer le mou est la dernière de mes intentions, soyez en sûrs. Tachons donc de clarifier. Caractérisons, détaillons, dessinons des contours plus nets et distincts autour de nos deux objets, prêtons nous à ce jeu délicieux dont raffole tout chroniqueur musical, rêvons nous apothicaires d’apollon : étiquetons.
Localisons, d’abord. Les premiers viennent de Norvège (la contrée du Black…. Bon, ça va !), quand les seconds, bien qu’ayant connu dans leurs rangs un norvégien du nom de Hellhammer, viennent de la Suède voisine. Si on a du mal à accoler des adjectifs rigolos pour décrire ces derniers, les autres, ceux qui jouaient lundi (qui depuis n’est plus hier mais avant-avant-hier… Mais ça… on s’en fout), ceux qui jouaient lundi, donc, à la Maro, s’y prêtent d’avantage. Electro-Black-Avant-Gardiste. Free-Black. Experimental-Cold-Jazz. Black-Zorn-Core. Dark-schyzoid-Jazz. Beau comme la rencontre fortuite d’une anche et d’une double pédale sur une table de mixage électroacoustique. Un mariage en couleurs, qui, comme le dit le slogan, n’a rien de blanc.
Deux groupes de Black Metal homonymes jouant à 24 heures et 5 kilomètres d’intervalle. Chacun, selon sa sensibilité, mettra ça sur le compte du hasard ou du Grand Complot Mondial. Personnellement, je pressentais là le sujet d’une chronique comparative révolutionnaire, d’une enquête musicale de première bourre. Le matériau parfait d’un article conceptuel de haute volée où dialectique et musicologie auraient combattu à armes égales. Mon boss n’a pu me dégotter un pass pour le concert de mardi. L’histoire a décidé de tuer dans l’œuf cet article fondateur. Laissons donc désormais derrière nous toute référence au second groupe.
Sous le prétexte, tout à fait louable, que « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », les extrêmes finissent parfois par se rencontrer. Ce qui politiquement amène aux pires absurdités, devient dans le domaine musical l’occasion de créations riches et étonnantes. (et tendrait à prouver que la musique, géométriquement parlant, serait une forme fermée, ovoïde ou circulaire) Le Black Metal fuit la mièvrerie et la médiocrité consensuelle de la musique commerciale quand le Free-Jazz s’abstrait de ses règles mélodiques, harmoniques, et rythmiques rigides et bornées. A l’opposé exact de la musique commerciale (qui serait donc représentée par un point, pour ceux qui schématisent bien), à équidistance parfaite entre Black Metal et Free Jazz (eux-mêmes points respectifs des galaxies Metal et Jazz) on trouve SHINING (à qui le point ne sied pas du tout.). Cinq fringants jeunes trentenaires, élégamment vêtus de noir. Une section rythmique basse-batterie-guitare qui passe de phrases syncopées et rondes à de longues plages stridentes portées par un lit de blast-beats, trouvant un équilibre parfait mais périlleux entre groove et riffs acérés. Un clavier déshumanisé qui amène une note synthetique low-fi lorgnant plus du coté de l’indus, de NINE INCH NAILS ou de MINISTRY que du Jazz ou du Black. Socle extrêmement solide mais diaboliquement souple sur lequel surfe un frontman d’un talent et d’une énergie rare. Chanteur, guitariste et saxophoniste sur scène, Jørgen Munkeby, est également compositeur de tous les morceaux du groupe, producteur du dernier album et l’auteur de quelques arrangements électroniques. Sur scène, une saine fureur brûle dans ses yeux profonds et torturés. Saine car canalisée dans ses instruments et mise au service d’un évènement collectif où se mêlent le plaisir et une violence contenue qui devient le carburant d’une danse frénétique. Son visage m’évoquait un Vincent Gallo superactif et potentiellement dangereux. Un pote y a retrouvé le regard de l’acteur interprétant Roberto Succo, tueur en cavale, dans le film du même nom. Le regard d’un génie au service du malin.
Je crois pouvoir assurer que malgré les veules tentatives des programmateurs pour perdre leur public, les gens présents au concert ne s’étaient trompés ni de jour ni de salle. A peine les musiciens sont ils sur scène que quelques amateurs incontinents se fendent de braillantes en leur honneur. Les premiers riffs de « The Madness and the Damage Done » impulsent immédiatement dans la fosse un mouvement qui ne s’arrêtera plus jusqu’à l’énorme reprise de KING CRIMSON « 21st Century Schizoid Man », en passant par « Fisheye », « Healter Skelter » ou encore « In the Kingdom of Kitsch You Will Be a Monster » de l’album Grindstone (2007). Le public prend un pied fou et accueille systématiquement le saxo par des hurlements qui évoquent le rut de quelque fauve, le groupe, et plus particulièrement son meneur, semble partager ce plaisir.
En concert, comme à l’écoute de l’album, on se demande comment SHINING arrive à couvrir un tel spectre musical tout en conservant son homogénéité et sa cohérence. Pas un seul moment on ne sent les glissements qui nous emmènent d’un univers à un autre, pas un seul flottement, temps mort, pas une trace d’ennui. SHINING nous plante son bec dans le bas du ventre et le remonte lentement jusqu’à la gorge, un sourire maniaque aux lèvres. Gisant les tripes en éventail on en redemande… On en redemande ailleurs, dans une salle plus grande, avec un meilleur son, des lights à la hauteur pour un spectacle qui pourrait être grandiose. Content d’avoir assisté à cet évènement dans un lieu aussi intime, on attend avec impatience un show à la hauteur de leur talent. Une affiche plus cohérente dont ils auraient la tête.
Puisque c’est essentiellement là que le bas blessait lors de cette soirée. Si KNUT, la tête d’affiche, a terminé son set sur un morceau très envoutant, dont les deux uniques riffs répétés en boucle pendant 20 minutes réussissaient à créer une véritable ambiance, l’essentiel de sa prestation ne parvenait pas à prouver ni son originalité, ni son efficacité, et ressassait des sonorités que l’on a entendu ailleurs, chez NOSTROMO ou chez NEUROSIS peut être, avec bien plus de talent.
COMITY qui ouvrait la soirée, montrait lui aussi de belles références et évoquait souvent CULT OF LUNA. Mais de loin, derrière un son malheureusement trop brouillon pour celui qui ne connait pas encore leurs morceaux.
Quand à CRANCKSET, je préfère vous épargner les propos désobligeants qui me sont venus à l’esprit à propos de la qualité des compos, de la richesse des riffs ou du professionnalisme de la prestation. D’abord parce que j’ai loupé l’essentiel des morceaux à l’exception des deux derniers, ensuite car ce que j’ai entendu était loin d’être à la hauteur de ce que diffuse leur Myspace.
Une soirée bancale dans son ensemble donc, mais qui abritait en son sein un moment d’une grande force, un climax intense, éclipsant presque totalement tout ce qui l’entourait.


Ajouté :  Samedi 06 Novembre 2010
Live Reporteur :  Moloch
Score :
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Hits: 21474
  
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