KADENZZA (jp) - You Oshima (Sept-2003)
Nous avons voulu donner la parole à You Oshima, le fondateur de ce "one man band", pour nous parler de ce qu'est et représente sa musique assez barrée, experimentale et qui alimente les conversations ces derniers temps...
Line-up : You Oshima (Tout!)
Dicographie : The Reality And The Phantasmagoric World (Album - 2002), Into The Oriental Phantasma (Album - 2003)
Metal-Impact. Peux-tu te présenter ainsi que ton projet musicale qu'est Kadenzza aux lecteurs français car tu sors de nul part...
You Oshima. Kadenzza est le résultat de mes expériences musicales, qui ont pour but de faire connaître aux métalleux occidentaux le Metal extrême japonais. À mon avis, la plupart des métalleux français n’ont même pas idée qu’il puisse exister des groupes de Black ou de Metal gothique au Japon, je me trompe ? Comme vous le savez peut-être, depuis ses débuts, le Metal est très populaire au Japon, mais les groupes originaires du Japon ne sont pas très connus en Europe… Quoi qu’il en soit, en ce qui me concerne, je connais bien les groupes européens…
Pour en revenir à la question, Kadenzza est le premier groupe à venir du Japon dont le concept est basé sur le côté sombre de la culture japonaise, comme dans « Kwaidan », le roman gothique de Lafcadio Hearn… (Vous le connaissez ?). (ndlr : Écrivain et journaliste anglais marié à une japonaise et naturalisé japonais où il prit le nom de Koizumi Yakumo. Il a écrit des histoires de fantômes adaptées du folklore japonais.)
MI. Pourquoi avoir décidé de monter ton propre projet ?
You Oshima. Parce que j’en avais assez de jouer dans un groupe… À chaque fois que j’ai fait partie d’un groupe, j’ai fini par me lasser des disputes entre membres, du despotisme musical, etc… Je suppose que tout le monde en passe par-là tôt ou tard ? Je ne voulais plus me préoccuper de ce genre de détails, mais seulement me concentrer sur l’écriture des morceaux et les interpréter…
Est-ce qu’il est nécessaire de faire partie d’un groupe quand on compose sa propre musique ? Il est vrai qu’une collaboration avec des musiciens talentueux peut produire des résultats intéressants. Mais à force de jouer tous les jours avec les mêmes personnes, je finis par me lasser…
De plus, le fait d’être dans un groupe impose de se fixer certaines limitations musicales. Je pense que c’est à double tranchant. Parfois le résultat est magique, parfois c’est l’échec…
Comme vous le savez, Kadenzza n’est pas un groupe mais un projet solo qui a pour but de matérialiser mes images sonores. Rien n’entrave ma créativité dans Kadenzza, je peux contrôler tous les instruments, même un orchestre entier si je le voulais !
MI. En as-tu raz le bol que l'on te demande tout le temps la signification de "Kadenzza" ?
You Oshima. Ouais ! un peu… [Rires]
Si vous avez des notions de musique, vous comprendrez tout seul la signification de ce mot…
J’ai créé le nom « Kadenzza », mais il vient d’un terme musical : cadenza. Une cadenza est une formule mélodique jouée en solo à la fin d’un concerto pour violon.
Ce nom m’est venu à l’esprit fin 1997, et depuis je l’utilise sur scène. J’aime bien la manière dont il sonne…
MI. Quel est ton parcours en tant que musicien, autodidacte ou non ?
You Oshima. Oui, je joue de la guitare depuis que je suis tout petit, mais je n’ai jamais suivi de cours dans une école ou une université spécialisée. Mes seuls professeurs depuis que j’ai ma guitare, ce sont mes centaines de CD… C’est le cas pour beaucoup de monde, je suppose…
Au début des années 90, j’ai débuté ma carrière musicale en montant un groupe pour jouer du Speed Metal allemand. À cette époque, j’étais fan de Helloween, de Blind Guardian et de tous leurs émules…
Dans le groupe « Black Maria », je jouais de la guitare et j’écrivais des chansons. Le groupe a sorti un mini-album avec six morceaux originaux. Mais ça n’est pas allé plus loin car notre musique n’était pas assez mûre. Nous n’étions que des suiveurs des groupes plus importants…
Après la séparation de Black Maria en 1993, j’ai déménagé à Tokyo, puis à New York et dans une ou deux autres grandes villes japonaises. Je me suis mis à composer en programmation Midi, j’ai essayé d’écrire des morceaux et j’ai appris tout seul la conception sonore…
Ce qui m’a pris pas mal de temps, car je n’ai pas eu de professeur. Ce n’était littéralement qu’une succession de tentatives et d’échecs. C’était pour ainsi dire les débuts de Kadenzza !
Comme je l’ai dit, Kadenzza est né de ces expérimentations musicales mélangées aux technologies numériques modernes et à mon esprit métal traditionnel. En d’autres mots, Kadenzza, en terme de Metal extrême, c’est un enfant de l’ère technologique numérique du 21ème siècle !
MI. Comment qualifierais-tu "Into The Oriental Phantasma" ?
You Oshima. Comme j’ai commencé à le dire dans la réponse à la première question, le concept de Kadenzza se base sur la face obscure de la culture japonaise. La musique, par contraste, est plutôt européenne… Les Européens devraient donc trouver ce concept intéressant.
Lafcadio Hearn, le célèbre romancier irlando-grec du 19ème siècle, a décrit de la même manière le côté sombre de la culture japonaise. Il a fait connaître à l’Occident les mythes gothiques et les contes traditionnels d’horreur japonais, réinterprétés par un regard européen. C’est exactement ce que représente un roman comme « Kwaidan » !
Pour en revenir à la question, je voulais décrire le côté sombre de la culture japonaise sous la forme d’un album de Metal extrême : « Into the Oriental Phantasma »… tout en recourant à un son typé européen. Peut-être qu’à l’écoute, cet album évoquera en vous des images mentales ? Des choses étranges, effrayantes… une espèce de fantasmagorie sonore… En d’autres mots, je décrirais cet album comme « un film d’horreur sans image ».
Une fois que vous aurez écouté attentivement « Into the Oriental Phantasma », vous aurez un aperçu du côté sombre du monde d’horreur chaotique japonais !!! Je vous le promets !!!
MI. L'album sonne Européen, pourquoi ce choix ?
You Oshima. Pour aucune raison en particulier ! J’aime les sonorités européennes, c’est tout ! Pendant longtemps j’ai tiré mon inspiration des groupes européens… pas seulement des groupes de Metal, mais aussi des groupes légendaires de musique progressive des années 70 ou de la musique classique.
Kadenzza s’exprime de manière européenne, mais on peut remarquer des « parfums » légèrement différents dans la musique… surtout en ce qui concerne les mélodies. Le terme « exotique » ne me semble pourtant pas approprié. Peut-être que « diversifié » serait plus correct… Le fait est que la plupart des Occidentaux n’ont pas de parfums dans leur sang. Je crois que c’est ce qui rend la musique de Kadenzza plus intéressante que d’autres musiques européennes.
En bref, tout est une question de « sang »… c’est à dire de « mélodies inhérentes » propres aux différentes nationalités… Vous me suivez ? (ndlr : euh, oui… bien sûr !)
MI. Quelles différences ou évolutions vois-tu entre "The Reality And The Phantasmagoric World" et "Into The Oriental Phantasma" ?
You Oshima. Avant tout, « Into the Oriental Phantasma » bénéficie d’une meilleure production. Les illustrations et la pochette sont aussi bien supérieures à celles de « The Reality… ». Les illustrations de « The Reality… » peuvent paraître bizarres… mais elles me plaisent.
Pour ce qui est de la musique, j’ai ajouté deux airs Black Metal assez rapides dans « Into… », ce qui produit un contraste intéressant entre la première et la deuxième moitié. Je définirais donc la première moitié de « Black Metal kamikaze » et la deuxième de « fantasmagorie gothique »… comme les faces A et B à l’époque révolue des disques analogique !
De toute façon, « The Reality… » n’était qu’une démo, une sorte de « prototype » de Kadenzza.
MI. Comment s'est fait le choix de signer chez Holy Records ?
You Oshima. J’ai toujours estimé Holy Records en tant que label. Je possède des tonnes de CD de groupes de chez Holy : Misanthrope, Elend, Septic Flesh, Yearning, On Thorn I Lay, Orphaned Land, etc. Ils font tous partie de mes groupes préférés !
Depuis quelques années, j’espérais un jour pouvoir sortir mes propres morceaux avec Holy… Alors quand j’ai terminé ma première démo à la fin de l’année dernière, j’ai décidé de l’envoyer à Holy, et quelques mois plus tard, M. Philippe, le directeur de Holy Records, m’a contacté ! Ils avaient choisi Kadenzza parmi des millions de groupes. Vous connaissez ma musique, Kadenzza est unique et étrange… c’est quelque chose de nouveau que l’on n’entend pas chez les autres groupes européens… C’est peut-être la raison qui a poussé Holy à s’intéresser à l’étrange Metal japonais de Kadenzza. En fait, la plupart des groupes de Holy sont extrêmement originaux !
MI. Que penses-tu de tes compatriotes de Loudness par exemple, sais-tu ce qu'ils deviennent ?
You Oshima. Loudness reste encore de nos jours le groupe de Metal japonais le plus connu en Europe… Ils se sont récemment reformés avec les membres d’origine et ont sorti quelques albums au Japon. Personnellement, je pense que leur musique correspondait parfaitement aux années 80, mais le 21ème siècle n’en a peut-être plus besoin…
Quoi qu’il en soit, j’aime Loudness, et surtout le jeu de guitare de Takasaki, qui n’a pas pris une ride !
MI. Le Japon est assez friand des groupes Heavy français, quel est ton opinion la dessus ?
You Oshima. Il est vrai que les métalleux japonais préfèrent le Metal européen au Metal de leur pays, surtout le Speed Metal plutôt mélodique et le hard rock néo-classique qui dominent la scène japonaise en ce moment.
D’un autre côté, la plupart des groupes de Death/Gothic/Black Metal japonais restent underground et doivent lutter pour survivre. La scène japonaise n’a rien à voir avec la scène européenne. Il suffit de regarder la couverture du magazine de Metal « Burrn! » ! On n’y voit que Joe Lynn Tuner ou Yngwie !!! Vous ne trouvez pas ça anachronique ?
Cette scène étrange produit des situations encore plus anachroniques… Encore aujourd’hui, la plupart des guitaristes japonais essaient de copier Yngwie ! Et beaucoup de groupes de Metal japonais connus ne sont que des sous copies de Rainbow ! C’est horrible !!!
MI. Comment se comporte la scène Metal Japonaise ?
You Oshima. Dans la scène underground, beaucoup de groupes n’ont d’autre choix que de jouer dans de petits clubs, même des grands groupes japonais comme « United ».
En revanche, les groupes étrangers sont mieux traités et se produisent dans des salles plus importantes… Il y a quelque chose qui cloche là-dedans, non ?
La plupart des métalleux japonais semblent ne prêter attention qu’aux groupes étrangers et ne s’intéressent pas vraiment à la scène locale… et encore moins dans le cas du Metal extrême…
Les gros labels japonais ne semblent pas non plus prêter beaucoup d’attention aux groupes extrêmes locaux… C’est l’un des effets pervers de l’invasion de la culture étrangère… En général, les Japonais tendent à préférer et même à avoir une foi aveugle en ce qui vient de l’étranger, quel que soit le domaine : mode, musique, cinéma, alimentation, etc.
MI. As-tu trouvé des musiciens pour t'accompagner en concerts dont la France fera peut-être partie ?
You Oshima. Oui, je suis impatient de venir en France !!! Mais je crois que la musique de Kadenzza est difficile à rendre sur scène… Kadenzza est comme un appareil photo perfectionné fabriqué au Japon !
En ce qui concerne une éventuelle tournée européenne, le moment n’est pas encore venu… Pour l’instant, je préfère travailler en studio que me produire sur scène. Je vais faire un ou deux albums ces prochaines années, et dès que possible Kadenzza se produira devant vous. J’espère que vous aurez la patience de m’attendre…
MI. Que penses-tu du support Internet, de ses webzines, du MP3 et du gravage de CD ?
You Oshima. En tant que responsable d’un webzine, tu as pu remarquer la révolution qu’a représenté Internet pour l’industrie musicale… Par exemple, la frontière entre musiciens professionnels et amateurs est en train de disparaître, sans compter les frontières nationales. Grâce à Internet, on peut à tout instant écouter depuis chez soi de la musique provenant de n’importe quel endroit du globe, qu’elle soit connue ou inconnue, comme si notre planète n’était qu’un immense juke-box gratuit !
Les musiciens peuvent quant à eux collaborer avec des gens qui vivent à des milliers de kilomètres via Internet et les technologies audio numériques… Et il n’est plus nécessaire de dépenser des sommes folles dans un énorme studio d’enregistrement pour bénéficier d’une production de bonne qualité sonore… Même les petits budgets peuvent se payer des enregistrements avec un bon taux d’échantillonnage. Des enregistrements de qualité 96khz et 32 bits chez soi ne sont plus inabordables !
Les musiciens ont l’impression d’être au paradis par rapport à il y a une dizaine d’années. Mais les amateurs peuvent-ils tous devenir professionnels ? Bien sûr que non ! Pourquoi ?
Je crois que les points les plus importants sont tout d’abord l’originalité, ce qui signifie qu’il faut créer une musique que personne n’a encore jamais entendue, et deuxièmement la capacité à utiliser ces technologies numériques, afin de ne pas en devenir esclave !
En ce sens, je pense que la plupart des musiciens dans le domaine du Metal sont en retard comparés à d’autres styles, en particulier les musiciens de hip-hop et de techno qui se servent couramment du numérique… Je pense que le Metal a besoin de ces technologies modernes.
MI. Je te laisse conclure avec peut-être une petite anecdote pour les lecteurs français...
You Oshima. Le seul but de Kadenzza est de mener jusqu’au bout la réalisation de mes images sonores, mais je ne pense pas détester jouer avec d’autres musiciens ! J’ai commencé à prévoir de nouveaux concepts et arrangements pour mes morceaux. Le prochain album sera saturé de variétés musicales… Je suis en pourparlers avec quelques musiciens de talent afin qu’ils m’assistent. L’un d’eux est un compositeur qui jouait autrefois dans Black Maria (ex-batteur) et l’autre est un vieil ami chanteur au style proche de celui de Rob Halford !
Je n’imagine pas encore clairement comment je vais les intégrer à ma musique, mais ils apporteront certainement quelque chose d’intéressant à Kadenzza. Du moins je l’espère !
Merci beaucoup à Ludo pour m’avoir donné une telle occasion de m’exprimer !!! J’espère bientôt vous voir, merci encore !!!
Ajouté : Jeudi 18 Septembre 2003 Intervieweur : Blasphy De Blasphèmar Lien en relation: Kadenzza Website Hits: 28388
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