ORAKLE (FRA) - Frederic A. Gervais, Pierre "Clevdh" Pethe et Antoine "Ohm" Aubry (Mai-2015)
On ne les attendait plus ! Six ans après Tourments & Perdition et quelques dates dont une au Hellfest, les membres d'ORAKLE ont changé et leur musique s'ouvre vers des horizons de plus en plus progressifs. Le black Metal des débuts laisse la place à des mélodies complexes et des rythmes aux signatures éloignées de leur premier amour. Comme ça on fait cocu le Metal extrême avec des passages lyriques et romantiques ? Bah ça alors ! Ils n'imaginent sans doute pas le sacrilège que ce travestissement peut représenter aux yeux de la brigade du Metal. Goût pour la provocation ? Ras-le-bol des blasts ? Des envies de flûtes ? Rendez-vous au Black Dog, haut lieu parisien de la culture extrême & co afin de nous expliquer ce dont il en retourne et répondre à ces accusations...
Line-up : Frederic A. Gervais (chant et basse), Etienne Gonin (guitare), Antoine "Ohm" Aubry (guitare), Emmanuel Rousseau (claviers), Pierre "Clevdh" Pethe (batterie)
Discographie : Uni Aux Cimes (Album - 2005), Tourments & Perdition (Album - 2008), Eclats (Album - 2015)
Metal-Impact. Avec un tel album, complexe et compliqué, j'imagine que les critiques fusent. Comment cela se passe ?
Frederic A. Gervais. Cela se passe bien. Nous avons pas mal de bons retours mais aussi quelques avis négatifs chez certains fans de Metal.
Pierre "Clevdh" Pethe. "L'ouverture musicale" que nous avons pratiquée sur cet album nous a permis de toucher un public plus Rock, souvent hermétique à la violence du Metal extrême. Cela fait plaisir d'entendre des critiques positives de leur part.
MI. Tout de même, presque sept ans entre les deux albums, ça fait pas très rock'n'roll. Des soucis au démarrage ?
Frederic. L'enregistrement s'est fait au fil de l'eau. Après quelques concerts en 2009, nous avons attaqué l'écriture de l'album à la fin de cette même année. Les structures des morceaux ont pris plus de deux ans à être définies. A partir de mai 2012, nous avons commencé à enregistrer la batterie.
Clevdh. Nous étions impatients que le processus avance et il nous fallait des preuves concrètes pour garder la motivation. Suivirent les guitares, la basse et le chant pour arriver à un mixage fin 2014.
Frederic. Le statut de musicien amateur, ainsi que la volonté de travailler notre musique et nos textes en profondeur expliquent les sept ans qui séparent les deux albums.
MI. Il n'y a pas que du Metal dans Eclats, loin de là. Comment se sont opérés ces greffes d'instruments divers et variés ?
Clevdh. Progressivement, très naturellement. Pendant l'enregistrement, nous sentions que certaines parties de notre musique laissaient de la place à d'autres sonorités. Par exemple, sur "Bouffon Existentiel", nous avons fait appel à un ami pour qu'il vienne jouer du saxophone. Ça nous a plu et nous avons gardé cette idée. L'absence de délais nous a permis de tester toutes sortes d'instruments. Nous n'avions pas quinze jours pour enregistrer l'album mais le temps que nous voulions pour chaque morceau. Pour ce qui est de la batterie, nous avons utilisé une petite Mapex, au contraire des standards du genre. Je préfère tout simplement jouer dessus.
MI. Et les textes, parlons-en ! En français et pas avec des mots simples sans connotation sexuelle sordide, vous le faîte exprès ?
Antoine "Ohm" Aubry. N'étant pas un des deux auteurs, j'ai mis moi aussi un peu de temps à bien comprendre certains textes. Je continue à en découvrir certains aspects.
Frederic. Avec Pierre, nous écrivons les textes chacun de notre côté sans rapport nécessairement avec une musique.
Clevdh. Nous nous concertons en tant qu'amis sur des sujets mais il n'y a pas de processus d'écriture en commun hormis sur l'intro "Solipse".
MI. Mais tout ça apparaît comme très cohérent. Il y a une unité entre les différents textes...
Clevdh. Elle se fait là encore logiquement et de manière inconsciente par nos références communes, tant musicales que littéraires.
MI. Avec des thèmes abordés comme l'athéisme, on sent bien l'influence d'auteurs tels Friedrich Nietzsche ou Georges Bataille...
Frederic. Exact ! Merci pour ces deux références qui nous touchent.
Clevdh. Le thème du rire, qu'on retrouve chez Bataille, est présent dans "Aux Éclats" mais aussi dans "Bouffon Existentiel" alors que ce sont deux textes écrits par deux personnes différentes. Cette cohérence non voulue se fait encore une fois naturellement. Le thème de la limite de la connaissance présent dans "Apophase" et "Nihil incognitum" fait le pont avec celui la planète dans "Le Sens de la Terre" sans pour autant que tout celui soit réellement calculer. L'unité ressentie à la lecture des textes est venue toute seule.
Frederic. Même sur notre précédent album, il n'y a jamais eu de ligne directrice claire dans nos textes. Par exemple, "Aux Eclats" peut à la fois évoquer la lumière mais aussi la fragmentation. Des moments joyeux peuvent côtoyer des moments plus graves ou des passages apaisants, c'est aussi une caractéristique qui ressort de nos deux écritures.
Clevdh. Le tragique représente le lien entre les différents morceaux. Il y a un tragique qui, s'arrêtant, te laisse dans une angoisse et une solitude tandis qu'un autre, une sorte de pessimisme dyonisiaque qui le résout par quelque chose de plus gai. L'attachement aux apparences et la non-vérité, le plaisir de rire ou l'inconnu sont des issues au tragique. Ces deux phases se conjuguent tout au long de l'album.
MI. Si je vous balance un gros-mot comme avant-garde, comment le prenez-vous ? Ça pourrait vous définir ? Ça veut dire quoi, d'abord ?
Frederic. Terme qui varie avec le temps dont je ne suis pas totalement à l'aise avec. Dans notre cas, il signifie l'emploi d'éléments peu habituels voire étranges des codes du Metal traditionnel. Nous avons voulu sortir du carcan stylistique et l'emploi, par exemple, de shakers ou de percussions au sein de morceaux lourds pour les rendre plus groovy n'est pas chose commune dans le Metal.
Ohm. Ou encore jouer des notes en dehors de la tonalité du morceau. Je trouve intéressant d'entendre deux instruments jouer ensemble avec un qui joue juste à côté de la gamme. D'ailleurs, lorsqu'à l'enregistrement j'écoutais les parties séparées des instruments d'un même morceau, j'avais parfois du mal à les reconnaître ou à les situer. J'ai aussi eu du mal à les apprendre tant elles ne sonnent pas pareil seules ou dans un ensemble.
Clevdh. Nous nous foutons des codes de n'importe quel style musical sans non plus grande prétention.
MI. Changement de label pour celui d'Apathia Records, volonté de briser les codes... J'imagine que vous devez avoir des attentes après tant de travail en silence ?
Frederic. Les concerts sont maintenant notre priorité. Nous sommes fiers de ce disque et nous cherchons à le communiquer. Cela nous tient à cœur et ça nous démange.
Clevdh. Nous sommes en train de caler des dates pour la rentrée. On joue du Metal mais cela ne nous dérange pas du tout d'avoir à jouer dans des scènes plus Rock. Nous-mêmes, nous avons assisté ces dernières années à des concerts sans rapport avec le Metal et cela nous a profondément influencés. J'espère que des programmateurs de festivals ou de concerts nous ferons confiance.
Frederic. Lorsqu'on joue dans un concert Metal, on sait qu'il y a une grande part du public qui se revendique comme conservatrice et on s'expose comme un groupe à la marge. Pour un public plus Rock ou progressif, on s'expose aussi, étant cette fois-ci le groupe de Metal avec son univers, loin des codes de cette scène. J'ai hâte de m'y confronter, quel que soit la configuration.
Ajouté : Jeudi 25 Juin 2015 Intervieweur : JL Lien en relation: Orakle Website Hits: 6413
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