LAIBACH (si) - The Videos (2004)
Label : Mute Records
Sortie du DVD : 1er novembre 2004
Pays : Slovénie
Genre : Nouvel Art Slovène
Attention, cette review contient des omégas 3 et accessoirement, une bonne dose de culture générale ainsi que des références historiques à la pelle. Heureusement pour vous, je vous évite un détour inutile par Sciences-Po en resituant brièvement (autant que faire se peut) le contexte du mythe LAIBACH. Nous sommes en 1980 du côté de Trbovlje, autant dire en Slovénie profonde. Le pays s’apprête à vivre une révolution interne importante avec la mort de Josip Broz dit Tito, qui régnait de façon dictatoriale sur les quatre républiques de l’ancienne Yougoslavie. Profondément marqué par le passé et le présent torturé de leur pays, un petit collectif d’artistes se forme dans l’indifférence la plus totale, choisissant pour nom de scène le patronyme allemand de Ljubljana ; Laibach. Leur particularité ? Etre les fils spirituels des intouchables THROBBING GRISTLE, légendaires inventeurs de l’Industrial. Eh non, désolé de vous décevoir, RAMMSTEIN n’a rien inventé, pas plus que MARILYN MANSON. Mais si aujourd’hui, le phrasé barbare du mot « Laibach » a traversé le rideau de fer pour parvenir jusqu'à nos oreilles, c’est davantage pour une question d’image que de musique. LAIBACH se délecte de l’imagerie fasciste, cultivant à l’extrême les symbologies douteuses, l’imagerie militaire totalitariste et se nourrit de messages tendancieux. Ce qui leur a évidement valu bon nombre de critiques, mais surtout une reconnaissance internationale comme étant les maîtres absolu de l’amalgame et du paradoxe. Car NON, LAIBACH n’est pas un groupe de nazillons tout moches ! Un procès sur lequel ils jouent volontiers avec des déclarations ambigües comme « nous sommes autant fascistes qu’Hitler était peintre » sachant qu’Hitler à commencé sa « carrière » en tant que peintre raté ou ironiques ; « les uniformes militaires ? De nos jours, tout le monde surfe sur cette vague à commencer par les grandes marques ». Une chose est sûre, LAIBACH ne laisse pas indifférent et fascine par sa constante capacité à rester à la frontière du politiquement correct. Une force traduite en musique. Avec une discographie riche d’une bonne demi-centaine d’éléments, le quatuor slovène se démarque également par une productivité impressionnante. Totalement impliqués dans l’Histoire de son pays, le combo est aussi à l’origine du mouvement N.S.K (Neue Slowenische Kunst ; le nouvel art slovène) qui regroupe des figures de l’art politique et polémique en grande partie nationaliste avec dans ses rangs la troupe théâtrale du Noordung Cosmokinetic Cabinet ou encore le collectif de peintre IRWIN. Aujourd’hui, LAIBACH n’est plus tabou et leurs meilleurs CD’s sont facilement trouvables dans les enseignes populaires nationales, comme le témoigne la présence de cette compilation de clips dans les rayons de la FNAC.
Rien que la cover laisse présager le meilleur. Quatre beaux slaves posant en habit de généraux du Reich décorés sur un sol lunaire. THIS IS LAIBACH ! Le DVD en lui-même comporte deux sections. Une première constituée de treize clips qui défilent de manière chronologique. On démarre logiquement en 1986 avec « Drzava » (l’Etat en slovène). L’image est vraiment sale et présente le groupe, déjà costumé mais à un degré moindre, sur une scène surmontée d’une croix grecque massive dessinée sur une tissu. Aucune action, une vidéo en noir et blanc totalement statique mais inexplicablement captivante. Le chanteur utilise déjà sa voix de ramoneur sur un morceau complètement incohérent, martial, teutonique. En un mot ; désarmant. Une sensation renforcée à l’arrivée d’une troupe de danse contemporaine, qui se dandine sur des trompettes et des violons rappelant vaguement l’angoisse retranscrite par Bernard Hermann dans sa bande-originale du Psychose d’Hitchcock. Le moins que l’on puisse dire, c’est que LAIBACH nous accueille convenablement. Un an plus tard arrive un de leur plus grand succès, « Opus Dei ». Une reprise du « Life Is Life » d’Opus, hymne pour toute une génération de Jacky Techno Tuning. La formation soigne son image, avec des costumes de plus en plus explicites et fournis et se filme en pleine nature, devant montagnes, cascades, falaises, forêts en train de jurer « Life… Life Is Life ! » sur des chœurs masculins et un rythme solennel et d’une lenteur abusive. Si de nos jours, une telle vidéo aurait été tournée, elle aurait été immédiatement taxée de « confiture pour cochon ». Aucun doute, c’est bien une histoire d’art. On enchaîne avec « Geburt Einer Nation », une autre reprise germanisée du « One Vision » de QUEEN. Pour l’action, on repassera puisqu’encore une fois, le quartet se contente de poser dans un décor vide, à peine garni de quatre silhouettes, de deux tambours et de tons rouges et bleus en perpétuelle variation. Bien malin quiconque arrivera à tirer un sens à cette vidéo. LAIBACH continue dans les reprises avec le « Sympathy For The Devil » des ROLLING STONES. Une dimension beaucoup plus cinématographie est procurée à ce clip, où les membres du groupe effectuent une orgie dans un château lugubre (qu’on pourrait imaginer perdu en Transylvanie intérieure mais qui est en fait le château de Predjama en Slovénie, what else ?) avant de se rejoindre dans une sorte de grotte isolée (les caves de Skocjan en réalité), flambeaux en main comme pour se rendre à un conseil de Koh-Lanta. Puis ils ressortent dans la cour d’une maison dévastée où les y attendent le plus naturellement du monde une femme à la pureté éblouissante et deux beaux chérubins. 1989 et nouveau contournement musical avec la cover de « Across The Universe » des BEATLES. Ici, le chanteur s’est absenté (ah non, il revient à la fin pour conclure ce titre avec deux phrases de manière tellement grotesque que ça en devient troublant). Il laisse place à une belle demoiselle pour effectuer les vocaux, en compagnie de quatre charmantes têtes blondes en costume cravate. Une référence aux jeunesses hitlériennes ? Ou ça ? Il n’empêche que cette reprise est très limpide, douce, rassurante et surtout, ne ressemble pas du tout à la griffe LAIBACH. Mais c’est aussi ça le talent des grands.
Trois ans plus tard est réalisée une vidéo pour « Wirtschaft Ist Tot » dans laquelle est représentée une sorte de « machine à hommes ». D’autres demoiselles, celles-ci entièrement argentées, à l’image de l’ambiance très froide et industrielle, programment un mécanisme duquel sort, devinez qui ? Oui, bien vu… LAIBACH. Une forme d’égocentrisme et de mégalomanie dissimulée derrière une ode au cinéma contemporain plus communément appelé « n’importe quoi ». Enième rhabillage de fèces avec « The Final Countdown », la daube… oups, que dis-je ? Le hit interplanétaire d’EUROPE ! Le clip est à l’image de la chanson, très moche ! En image de synthèse, il retranscrit le processus de création de petites statuettes des membres de….. LAIBACH ! Musicalement, c’est très Electro et bourré de chœurs absolument risibles, mais c’est aussi ça l’art nouveau. D’ailleurs, les slovènes effectuent leur propagande à la fin du morceau avec la phrase « devenez vous aussi citoyen du premier Etat global de l’univers : l’Etat NSK » traduite en une bonne douzaine de langues dont le latin, le japonais et l’arabe. Personnellement, c’est comme la J.A.P.D, casse-burne et on s’y engage pas plus. On continue comme il se doit avec…. une reprise. C’est cette fois c’est « In The Army Now » de STATUS QUO qui passe à la moulinette. Une vidéo dont on ne garde pas un souvenir impérissable, puisque la reprise est aussi fade que le clip, pour la deuxième fois consécutive en 3D et qui met en scène…. euh…. bah on sait pas trop en fait. En tout cas, ce sera un des rares tournages sur lequel on ne verra pas leurs têtes d’affreux jojos donc on en profite. Nous voilà déjà arrivé en 1995 avec « War » qui est aussi une cover. Nan, je blague… mais c’est pas du LAIBACH non plus. Alors c’est quoi ? Disons que c’est une demi-reprise à la sauce slovène de la composition de l’américain Barett Strong représentée visuellement en stop-motion avec des images de tous lieux et tout univers (science, politique, art, littérature, etc…) qui défilent à une vitesse incroyable dans une croix sculptée sur une feuille d’or. « Alle Gegen Alle » à le mérite de prouver que le combo est aussi un groupe de scène, avec une vidéo live qui fais souffler les méninges et dans laquelle on n’a pas besoin de se retourner le cerveau pour chercher le pourquoi du comment. Autre sujet à controverse : la religion. LAIBACH ne manque pas de s’en moquer avec « God Is God » qui marque une transition sur le plan musical avec des sonorités plus métallique qu’a l’accoutumée. Ce qui au final me convient à ravir, puisque il s’avère que j’ai plus de mal que prévu avec le nouvel art slovène. Dommage, à ce propos que nos amis bourrent leur filmographie de métaphores et symboles que seuls eux peuvent comprendre. Fort heureusement, on arrive avec « Tanz Mit Laibach » à la période WAT, un album si merveilleux, riche et intense que RAMMSTEIN et ses petits copains passent pour un bouquin de Franklin devant un pavé nietzschéen. Et le chanteur d’avouer, « RAMMSTEIN, c’est LAIBACH pour les enfants et LAIBACH, c’est RAMMSTEIN pour les adultes ». Dans ce clip, Milan Fras est mis en scène, avec sa voix toujours aussi gutturale bien que trafiquée et son costume de dignitaire nazi (même si on remarquera un regain de sobriété avec la disparition de tous les brassards, médailles, bibelots qui encombraient à la manière d’un netsuke sur un sagemono ou de patchs « Anarchy » et « Fuck The System » sur le sac à dos d’un lycéen fan des KILLERPILZE,-le groupe de-la-mort-qui-tue-). Un titre bien dansant avec des nappes électroniques savamment utilisées, un slogan facilement identifiable, « Ein, Zwei, Drei, Vier, meine Freunde tanz mit mir » (« mon ami danse avec moi ») et des lyrics qui incitent à la provocation : «Nous dansons pour Ado Hinkel, Benzino Napoloni (comprenez Adolf Hitler et Benito Mussolini), nous dansons pour Schiekelgruber (demi-frère d’Hitler) et avec Maitreya (descendance de bouddha). Avec le totalitarisme et la démocratie, nous dansons pour le fascisme et l'anarchie rouge ». Une vidéo à la qualité remarquable qui en entrainera plus d’un dans le revisionnage intensif de leur meilleure réalisation. Accessible à tous, et c’est un luxe. Puis cette section clips s’achève avec « Das Spiel Ist Aus » (le jeu est fini), qui n’est pas une reprise du concept SAW ! La encore, les membres de la troupe, toujours bien vêtus (sans mauvais esprit) font une petite virée en ville où est filmée la misère, le monde économique, quelques industries dans une critique acerbe de la société actuelle (« lente est notre mort, l’homme vit dans la douleur, ce qui s’est passé doit renaître, nous n’avons plus de temps et tu es mort ». A noter que les paroles défilent en russe et en anglais au fil de la chanson pour qu’il ne reste aucune miette du festin. C’est l’esprit converti au NSK que l’on sort épuisés par tant de génie. Il ne faut pas se voiler la face, LAIBACH est bien un groupe de génie, capable de jongler avec les sujets brûlants sans jamais récolter la moindre cloque. Déroutant.
Mais ce DVD et par conséquent la chronique, est loin d’être fini. Il se poursuit avec un film de trois quarts d’heure sur la création de l’album WAT, officiellement. Sur le passé totalitariste et grégaire de la Slovénie, officieusement. Divisé en trois parties, il démarre le plus logiquement du monde avec le chapitre premier, « I. Past : Perfect » qui revient avec un nom plutôt cynique sur la fin de la deuxième guerre mondiale, la nouvelle division du monde et l’arrivée au pouvoir de Tito, images d’archive à l’appui et rythmes technos qui masquent « Les Planètes » du compositeur symphonique Gustav Holst en fond musical. Il est important de souligner que ce documentaire rend hommage à Tito et que par conséquent, il expose de manière assez suggestive des points de vue susceptibles de ne pas plaire à tout le monde. Le deuxième chapitre, « II. Past : Forward » reprend la naissance de LAIBACH avec une biographie détaillée qui ne comblera à mon avis que les fans. On y apprend néanmoins que le groupe à été assez longtemps censuré car accusés de propagande communiste. Le troisième chapitre, « III. Present : Tense » intervient assez rapidement et reprend le processus de création des titres de WAT décortiqués un par un et commentés par leurs auteurs. Première piste (« B Machina ») illustrée avec des images du combo faisant tranquillement ses courses dans un grand supermarché, le tout bien évidemment grimmés en nazillons. On apprend notamment par la suite que « Tanz Mit Laibach » est une création en hommage à l’amitié germano-américaine née après la fin de la guerre et que la chanson « Achtung » découle de la fascination du quatuor pour ce mot. J’avoue ne pas avoir été passionné par ce reportage de Saso Podgorsek (aussi réalisateur des clips « God Is God », « Tanz Mit Laibach » et « Das Spiel Ist Aus »). La faute peut-être à un désintérêt vis-à-vis de certaines pistes renforcé par un narrateur monocorde qui parle avec autant de conviction qu’un végétalien devant un stand de merguez. De plus, quarante cinq minutes, c’est long, très long…
Il n’empêche que ce document possède quand même un intérêt. Celui de rendre indispensable ce DVD à un fan absolu de LAIBACH. S’il faut vraiment être un amateur d’Indus ou d’art slovène pour apprécier comme il se doit cette sélection non-exhaustive de vidéos, il faut également rendre un hommage poignant à ce groupe si particulier, qui a fait couler tant d’encre, qui a suscité tant de polémiques et à déclenché tant de scandales, et qui pourtant est toujours en vie. Ce disque est une occasion unique de découvrir la vitrine des slovènes, et d’en tomber amoureux. Ce n’est qu’une question d’esprit. Tout le reste est matériel donc anecdotique.
Ajouté : Mercredi 10 Décembre 2008 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: Laibach Website Hits: 49563
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