MOUVANCE PUNK 1976-1978 : 100 Des Meilleurs Albums (2014)
Auteur : Eric Smets
Traduction :
Langue : Français
Parution : 18 Septembre 2014
Maison d'édition d'origine :
Maison d'édition Française : Camion Blanc
Nombre de pages : 538
Genre : No Future But Three Years
Dimension : 15 x 21 cm
ISBN-10 : 2357796235
ISBN-13 : 9782357796232
Le Punk. Pour beaucoup, cela reste un fantasme, celui d'années de désillusion, marquées par la fin de l'idéal glorieux des 60's, du tarissement de l'héritage bienveillant des hippies, et une saine réaction face à une société envahie d'individualités tournées sur elles-mêmes, de chômage galopant, de misère, et surtout, d'ostracisme. Pour d'autres, ce fut juste un feu de paille, une excentricité grotesque, une carte postale chamarrée pour touristes en mal de violence juvénile à ramener à la maison. Un courant "musical" aussi pathétique que les tenues des musiciens qui le pratiquaient, une excuse à la médiocrité musicale ambiante, une insulte au solfège et à la noblesse d'un art. Une façon puérile de relier l'alpha et l'oméga avec une simple épingle de nourrice, pour bien se foutre de la gueule de l'establishment. Sod off you cunt !
Le Punk, n'en déplaise à beaucoup, c'était la seule alternative de jeunes crétins face au mépris de leurs semblables pour pouvoir s'exprimer. Mais aussi, par extension, une saine volte-face effectuée avec fracas sous le nez de dinosaures s'étouffant dans leurs soli interminables et leur morgue bouffie. Ras le bol des guitaristes qui se branlaient trois plombes sur un solo à rallonge, rien à foutre des morceaux de vingt minutes qui ressemblaient plus à de l'auto satisfaction qu'à une dédicace sincère aux fans. Savoir jouer ? Mais rien à branler ! Jouer dans un stade ? Pourquoi faire ? Alors, des clubs, sentant le vent tourner, offrirent leur tribune à ces assemblages hétéroclites de pseudos musiciens bruitistes affamés, et la légende naquit. Aux USA d'abord, puis en Angleterre, et comme un virus, la trainée de poudre se répandit dans le monde entier, avec plus ou moins de bonheur.
Mais qu'en reste-il aujourd'hui ? A l'heure ou la macro économie a montré ses limites, où le capitalisme rampant n'en finit plus de ruiner des pays surendettés, ou l'égoïsme est devenu un dogme indispensable à la survie, le Punk est plus que jamais d'actualité. Mais plutôt que d'en traiter le parcours in extenso, Eric Smets a choisi d'en aborder la genèse, l'essence même, les dix commandements musicaux, en se focalisant sur ses trois premières années. Ces trois années, coincées entre 1975 et 1979, soit entre la naissance du Disco et l'avènement de la New Wave, sur laquelle le Punk finira par s'écraser, avec plus ou moins de complaisance. 1976-1978, sur le papier, comme sur une pierre tombale virtuelle, ça ressemble à une nécrologie, naissance-vie-mort, ainsi soit-il...Et pourtant. En recentrant le débat sur ces trente-six mois d'intense activité, qui aura vu se placer la naissance, l'émergence, l'apogée et le déclin d'un style aussi météorique que primaire, Eric Smets rend le plus bel hommage à cette déclinaison bâtarde du Rock, cette engeance difforme, qui, guitares, basses et batteries en main, ont mis le feu au Rock pour le réduire en cendres, poursuivant les travaux de dignes aînés, que personne alors n'avait écoutés. Dans le désordre, les STOOGES, le MC5, les SONICS, BLUE CHEER et tous ceux qui ne voyaient en l'idéal Pop qu'un leurre destiné à endormir les masses.
No Feelings, for anybody else... I'm in love with myself, my beautiful self!
Alors, dans ce Mouvance Punk 1976-1978 : 100 des meilleurs albums, vous ne retrouverez pas tout bien sûr. Eric n'est pas archéologue, même si on sent que sa culture sur le sujet est presque sans limites. Mais vous trouverez l'essentiel, et même plus, sur ces trois années de fracas et de chaos qui ont secoué principalement l'Angleterre et les USA, ces albums qui à l'époque sortaient sous le manteau ou sur une major, à quelques centaines d'exemplaires pour certains... Vous trouverez les cadors, ceux qui ont allumé la mèche, les suiveurs, ceux qui ont emboité le pas, ceux qu'on a un peu facilement affilié au genre, ceux qui s'y sont collé comme de la glue bon marché, ceux qui sont devenu des stars, ceux qui n'ont pas survécu, ceux qui ont connu un embryon de reconnaissance posthume... Oui ils sont tous là. Alors bien sûr, Smets a évité le détail, pas de démo, pas de singles, nous parlons d'albums ici, de long format, concept assez abstrait pour certains dont les efforts atteignaient péniblement les vingt-cinq minutes. Ce livre, c'est le temple du one-two-three-four, de la guitare jetable, du deux minutes chrono, une collection de glaviot crachés à la gueule de la bienséance. No Future qu'ils disaient... Pourtant, certains en connurent un plutôt pas mal...
Ne les cherchez plus, ils sont sous vos yeux. Des pères fondateurs RAMONES aux anecdotiques et tardifs PENETRATION, on les retrouve tous dans cet église du culte de l'anarchie. Les rigolos, les frondeurs, les poseurs, les engagés, les nihilistes, les coups fourrés, et même Billy Idol. Les albums magistraux, les compilations que tout le monde ou presque a oubliées, les purs et durs, les allégories, les rapportés. Le choix est vaste, mais tout fan de Rock scié à la base y trouvera son compte. Alors évidemment, il fallait trancher, comme une lame de rasoir. Les SEX PISTOLS, CLASH, DAMNED, THUNDERS, les HEARTBREAKERS, RICH KIDS, EDDIE & THE HOT RODS sont présentés, mais aussi dans un désir d'élargissement BLONDIE, les TALKING HEADS, COSTELLO, MOTORHEAD, RUNAWAYS... A chacun de définir si oui ou non tel ou tel album à sa place dans un ouvrage de ce type, mais il en va de la volonté de choix de l'auteur d'expliquer ou justifier ses options ou pas. Il a même inclus des morceaux de notre histoire nationale, en effleurant la légende de BIJOU, STARSHOOTER et autres STINKY TOYS... Frenchy, but chic... Pas d'accord ? Moi je m'en fous, j'ai lu, et j'ai bien fait.
Eric, ton bouzin, je l'ai bouffé d'une traite. Tu me permets de te tutoyer ? Pas de soucis pour moi, je n'ai que des trucs sympas à te dire... J'ai aimé ta plume (la même qui parlait chez Camion Blanc de Ronnie Woods et Tommy BOLIN...), elle est alerte, drôle, reste dans l'instant sans chercher à nier l'évidence de l'avenir. Tu parles de tout ça avec amour, légèreté, et chacun de ces disques vit une nouvelle existence sous ton regard amusé. Tu as connu ces années-là, et ça se sent. Tu ne dénigres personne, tu accordes même un peu de place à des groupes qui en manquaient à l'époque, et dont les disques passés à la trappe bénéficient du même traitement que les autres, plus célébrés. Alors bien sûr, tu remets les choses dans ton contexte. Tu nous balances les RAMONES en avant-scène, avec plusieurs entrées, tu nous parles d'ULTRAVOX !, de DEVO, de SIOUXSIE et même de MOTORHEAD, mais c'est cool, pas de problème... Tu aurais pu tomber dans la grossièreté, te lâcher en te vautrant dans des expressions imagées, mais même si aux détours de certains mots, le lecteur ne sera pas dupe, tu es resté correct...
Dans l'ensemble, je suis d'accord avec tes choix. D'une parce qu'il n'y en a pas cinquante possibles, surtout sur trois seules années, mais tu as eu le nez fin. Et en plus, tes chroniques sont parfaites. Quatre ou cinq pages en cas de force majeure (comme le doigt), une ou deux pour les trucs moins significatifs. Tu arrives en cent installations à ne presque jamais te répéter, et ta syntaxe est vive et rapide, comme un morceau de Dee Dee. Et puis en cadeau tu m'as fait (re)découvrir des trucs. Pas forcément impérissables, mais quelques compilations que j'avais manquées sur le tard, des groupes que j'avais occultés, et du coup, la lecture de ton livre s'est souvent faite le casque aux oreilles, et ça, j'aime bien. Parce que là est l'intérêt de Mouvance Punk 1976-1978 : 100 des meilleurs albums. De réécouter L.A.M.F avec ce son de vinyle suraigu pourri qui vous vrille les tympans. De reprendre sa basse pour la fracasser sur "Beat On The Brat". Ou – comme je l'ai fait - de se replonger dans la disco des TALKING HEADS ou des STRANGLERS pour faire remonter à la surface toute leur richesse. De fantasmer à nouveau sur les jambes et la moue de Debbie. De vénérer encore une fois Rotten/Lydon le teigneux visionnaire. Et de vibrer sur des zicos de pseudo seconde zone qui ont eu moins de bol que les autres.
Alors, musiciens chevronnés, ne lisez pas ce livre, il n'est pas pour vous. Trop pur, trop authentique, prônant la simplicité, tout ce que vous détestez. Il est réservé à ceux qui ont l'esprit et le cœur ouvert, dans lequel peuvent cohabiter plusieurs conceptions de la musique, Coltrane et Richard Hell. Jimmy Page et Steve Jones. Vivaldi et Wire. Il est surtout un des plus beaux hommages rendu à un style musical qui prônait une instantanéité sans avenir, mais qui est toujours là, en 2014, sous une forme ou une autre. Eric lui, en a retenu l'humour, le second degré et le décalage humoristique, les machins les plus funs. D'autres ont préféré le message politique. Soit.
Mais il reste la musique, instinctive, immédiate, urgente. On en aurait bien besoin aujourd'hui. T'en penses quoi Johnny ? Tu t'en branles ?
Moi aussi après tout.
Ajouté : Mercredi 03 Décembre 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Camion Blanc Website Hits: 34570
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