Que se passe t-il quand un groupe de Rock expérimental japonais rencontre l'un des plus éminents chanteur de Rock que porte la Terre ? A l'image de la pochette de ce disque ou de l'origine de son nom, la réponse est floue. Elle n'en est pas moins enrichissante, et peu importe la bizarrerie de cette collaboration. Ici, la première inconnue s'appelle BORIS (non, ce n'est pas un shemale), création minimaliste nippone à chanteuse, tablant ses atouts sur un Drone psychédélique nuancé de Noise Rock, de Sludge, de Stoner et de Pop (délicieux pour glacer son space-cake). La seconde, beaucoup plus réputée, s'appelle Ian Astbury, et pour ceux qui l'ignorent, le monsieur, chanteur pour THE CULT, a également été vocaliste pour THE DOORS OF 21th CENTURY, un projet musical fondé par Ray Manzarek et Robby Krieger, deux des membres fondateurs de THE DOORS. Oui, rien que ça. Autant dire que la rencontre entre les deux relève du domaine de l'improbable, contrairement au label qui hébergera cette sortie. Personne d'autre que Southern Lord, écurie possédant dans son catalogue les SUNN O))) et autres SAINT VITUS, ne pouvait mieux accompagner une telle fantaisie. Et comme de coutume, l'illustrateur Stephen O'Malley est impliqué dans l'embrouille.

J'ai toujours un peu de mal pour mettre des mots précis sur des sorties aux contours imprécis. Différents univers se percutent, le tout dans une finesse et une musicalité très abstraite. C'est le premier constat que je fais pour BXI. Après seulement vingt minutes, l'EP s'arrête, ce qui nous pousse involontairement, avec cette une forme de frénésie inexpliquée, à le refaire tourner encore et encore. Peut-être pour s'imbiber en profondeur des vapeurs toxiques qui émanent de "We Are Witches" ou peut-être tout simplement pour comprendre comment ces deux protagonistes pouvaient en arriver à une telle osmose. "Teeth & Claws" remplit parfaitement son rôle introductif, avec ces vagues successives de guitares planantes et étouffées, illuminées par la voix magique et magnétique d'un Ian Astbury en très grande forme. Il y a comme de la sérénité sur ce premier titre, un morceau de soleil dans vos oreilles, une bonhommie à la fois proche de la planète Pop et très éloignée de la terre ferme. Le contraste avec "We Are Witches" est tout trouvé. Plus martiale, plus Metal même avec son riffing nerveux nimbé de vocaux endurcis (du Nick Cave dans la théâtralité d'Ian ?), cette composition se distingue par une soudaine rugosité, heureusement brisée par un solo brossé. Quant à "Rain", elle inverse les rôles. Astbury s'éclipse momentanément et dans un coin du studio, observera attentivement la prestation de Wata (chanteuse et guitariste de BORIS) sur une reprise d'un des standards de THE CULT. C'est précisément à ce moment qu'une sorte d'intimité égoïste semble s'installer entre les deux corps, une masturbation partagée qui exclut de facto l'auditeur, le laisse dans ses travers, en dépit de la qualité indiscutable de ce titre. BXI n'en finit plus de prendre différentes tournures, et la finale et tranquille "Magickal Child" prendra logiquement le relais du haut de ses tonalités méditatives, brusquées par des guitares flirtant avec le Drone au milieu du morceau. Une réelle expérience spirituelle vient de s'achever, non sans laisser flotter une pointe d'incompréhension.

Incompréhension car cette musique est belle, même si on peut difficilement la qualifier ou l'analyser. Bien que lente, bien qu'un peu intellectuelle, elle noiera violemment son public sous des flots artistiques qui ne brillent pas par leur rationalité. Cette partie de touche-pipi entre BORIS et Ian Astbury débouche sur une œuvre complexe, planante, alternative, avant-gardiste mais inexplicablement addictive. Quelque part, on rêve tous de comprendre les choses qui nous font peur, et c'est un peu ce qu'on vivra en découvrant BXI.