Des vertus prophétiques sont-elles soigneusement dissimulées derrière l’entité STILLBORN SLAVE ? Ce ne serait pas impossible. Hasard du calendrier ou véritable symbole d’aruspicine, cette chronique de Your Time Is Out, premier album du groupe corrézien, intervient un mois à peine après le scandale de la maternité de Port-Royal. Je regarde encore et encore cette pochette, qui représente une femme enceinte devant des urgences en ruines, et je me dis que si corrélation il y a, c’est aujourd’hui de mauvais goût. Néanmoins, Your Time Is Out étant sorti en juin 2012, je considère que l’humour corrézien n’a rien à voir là-dedans et qu’au contraire, STILLBORN SLAVE est plutôt une formation du genre alarmiste et sérieuse. Sa musique en est la preuve la plus formelle. Un Thrash / Death mélodique vicié et agité qui, assurément, parlera aux ardents défenseurs de notre belle et riche scène tricolore.

Tout n’est pas rose dans cet album. Je dirais même que les nuances de couleurs qu’il inspire vont du gris métallisé au noir d’une nuit orageuse. C’est une espèce de déluge qui s’abat dans nos oreilles, quelque chose de parfois confus mais qu’un gros coup de tonnerre suffit à recadrer. STILLBORN SLAVE n’avait derrière lui qu’une démo et dans un sens, ce premier opus, aussi imparfait soit-il, affiche de prometteuses dispositions. Ces Français sont relativement fidèles au style musical qu’ils revendiquent. Les rythmiques sont hachées, remuantes, légèrement moins plastifiées que celles de leurs homologues de T.A.N.K ou d’IN ARKADIA. C’est brut, rugueux. On retrouve à la fois dans l’écriture et dans la production toutes les valeurs d’un Metal généreux, totalement intègre, une sorte de confiture artisanale, faite avec le sucre du bord, mais terriblement gourmande et croquante, comme dirait chef Lignac. Les lignes mélodiques sont brillamment exécutées, elles se mêlent parfois à des intonations Heavy, comme sur la remarquable « Sink Of Swim ». Techniquement très juste, Your Time Is Out a également des aspérités plus discutables. Personnellement, je trouve qu’on fait rapidement le tour du personnage. « Panic Enslave » étant une ouverture plutôt longue (plus de six minutes), STILLBORN SLAVE aurait pu différer un peu des présentations aussi précises. Si ce titre est un peu caricatural avec son refrain aérien, il n’en demeure pas moins percutant. Le souci, c’est que suivi de « Cycle Of Life » et d’« It’s A Hard Day For A Hero », il fait partie intégrante d’un triptyque suffisamment explicite pour gâcher l’effet de surprise sur les autres morceaux. Le reste de l’album, sans se montrer désagréable, n’est plus franchement scotchant et la relative longueur des morceaux (en moyenne entre 4 et 6 minutes) aide l’auditeur à se dissiper. Je finirais ce papier en évoquant un point qui me semble primordial : les vocaux. Il y a pour moi un véritable travail de remise en question à faire dessus. Ils ne sont pas insupportables, ils ne sont pas foncièrement dérangeants. Mais l’ensemble de la palette vocale de David verse dans un amateurisme éhonté. Alors certes, c’est susceptible de coller avec l’esprit « made in France – produit local » de ce disque, mais ça n’a aussi de cesse de rappeler que STILLBORN SLAVE est un groupe ridiculement petit, alors qu’à certains passages de Your Time Is Out, on se prenait à rêver à mieux.

En définitive, pour un premier essai, cette œuvre est relativement encourageante. On est loin de la panacée diffusée par les grands noms du Thrash / Death mélodique, mais grâce à ses efforts, à son implication, à son authenticité, celui de STILLBORN SLAVE pourrait dans un futur plus ou moins proche, s’en approcher. En restant réaliste, ces Corréziens n’auront jamais un destin présidentiel. Mais ils auront déjà un album de bonne facture au compteur et ça, c’est mieux qu’une réforme qui ne voit jamais le jour.