Chez nous, en Alsace, on adore les sticks et les bretzels du Docteur Oetker, à déguster sur terrasse avec un bon Sommer. Ne vous y trompez pas, ceci n’est pas une publicité pour des produits locaux mais bien l’introduction de la chronique de Sloughing Off The Shades, le premier EP des Tourangeaux de BEYOND THE STYX. Quel est le rapport ? Aucun. Je trouvais juste ça marrant de bouffer des sticks en écoutant BEYOND THE STYX. Le point de non-retour humoristique étant désormais atteint, on peut se lancer corps et âme dans l’analyse sérieuse et professionnelle d’une sortie qui a tout pour elle, a commencer par un artwork loin d’être vilain, bien que réalisé par Guillain le Vilain. Pour être franc, ce digipack est même magnifique et justifierait presque à lui tout seul les quelques misérables euros à y investir pour soutenir notre scène tricolore.

Et s’il y a bien un album de cette scène qui fait l’actualité et qui mérite du soutien, c’est celui-là. Après avoir souillé le précieux écrin de ma semence naturelle, je passe à une autre forme de masturbation, un peu plus auriculaire. Il faudra attendre que « Prelude To The Shades », une courte introduction d’une minute se passe pour qu’enfin, le voyage sur le Styx puisse commencer. Les premières manœuvres de ces garçons sont déroutantes. A la force des bras, ils remontent ces eaux morbides à contre-courant. Tout se mêle à l’intérieur de « Between Scylla & Charybdis », bien loin de cette forme de décadence annoncée. Une ouverture mélodique et galopante kidnappe cette compo sur le chemin du Metalcore pour l’emmener à l’orée des bois, sur des sentiers beaucoup plus alternatifs. Certaines structures sont très classiques, d’autres sont plus désarçonnantes. Vraisemblablement, BEYOND THE STYX est un groupe qui puise son énergie à la fois dans la modernité du Metalcore mais également dans la complexité d’arrangements beaucoup plus expérimentaux. Dans le vent sans pour autant sombrer dans des attitudes trop Swag, les Tourangeaux ont une certaine facilité dans l’exécution qui rend l’écoute de Sloughing Off The Shades passionnante. Chaque morceau possède sa propre personnalité à différents niveaux mais c’est véritablement les aspérités Heavy de « Petroleum » qui m’ont fait le plus d’effet, bien qu’il faille aussi prendre en compte la lourdeur chaotique de « Xcalibur (Call To Sword) ». S’il faut lui accorder plusieurs écoutes avant de vraiment l’assimiler, ce premier EP n’en demeure pas moins fluide et très bien écrit, sans parler d’une production aux petits oignons, œuvre des frères Potvin du DOME Studio. On appréciera forcément qu’un groupe de supposé Metalcore cherche à s’extraire par ses propres moyens de toute étiquette stylistique, même si c’est parfois maladroit. Naviguant entre Hardcore (pour la rugosité des voix) et Deathcore (pour les quelques breakdowns), utilisant également l’un ou l’autre plan Post-Hardcore ou Metalcore technique, cet EP est finalement très délicat à apprivoiser car totalement volatil et fantomatique. BEYOND THE STYX a plusieurs personnalités qui se dédoublent pour brouiller les pistes tout en gardant une certaine forme de cohérence artistique et ça profite grandement à Sloughing Off The Shades qui n’en devient que plus crédible et intriguant.

C’est donc une première esquisse prometteuse de la part de ces garçons. Loin de moi l’idée d’une quelconque forme de chauvinisme mais putain, on se débrouille quand même bien dans ce domaine. On a parfois l’impression que tout se ressemble, que les groupes se filent des tuyaux entre eux pour uniformiser leur démarche, mais ça relève uniquement du domaine de la chimère. Et s’il ne fait généralement pas bon barboter dans les eaux du Styx, pour le coup, on repiquerait volontiers une tête en compagnie de ces brillants phénomènes.