Le marathon FORGOTTEN TOMB continue ! Rattraper un retard de trois albums en trois jours sans aboutir au taillage de veine relève, pour la peine, d’un exploit bien plus retentissant qu’un vulgaire saut stratosphérique. Il aura fallu attendre quatre ans pour voir arriver le successeur de l’incroyable Negative Megalomania, qui marquait à son époque un virage très surprenant pour ce groupe de Black Metal dépressif. Doucement mais surement, on tend à s’orienter vers quelque chose de moins abrupte et d’un peu plus touffu, s’éloignant progressivement des thèmes musicaux entendus et réentendus qui inspirent la misanthropie, le suicide, la dépression. Et ce Under Saturn Retrograde persiste et signe ! Forts désormais d’un Black N’ Roll très inspiré, les Transalpins vont asseoir un peu plus leur domination sur la scène européenne.

Parce qu’après un tel effort, il apparaitra comme évident que personne sur le vieux continent n’est capable de jouer comme eux. Il y a bien Kvarforth de SHINING qui s’y est essayé, non sans un certain succès, mais depuis son Halmstad de 2007, le groupe et son grotesque leader, probablement trop occupé à jouer dans sa salle de bain avec des chattes en plastiques, ne donne plus aucun signe de vie artistique. Et FORGOTTEN TOMB n’aura surement pas eu besoin de cette surprenante défection pour poursuivre son œuvre morbide. Morbide comme sa tête pensante, Herr Morbid, qui avait créé la sensation sur le précédent disque avec l’utilisation d’un chant relativement clair et qui insiste ici sur une chanson de la trempe de « Shutter ». Avec ce cinquième album, les Italiens achèvent le mur qu’ils avaient commencé à bâtir après le Love’s Burial Ground de 2004. Moins axé sur le Black pur et dur teinté de mélancolie et mettant davantage l’accent sur le groove et la perfidie d’un Black nuancé de Heavy et de Rock N’ Roll, cet opus n’est pas une progression au sens propre du terme, car il ne tranche pas vraiment d’avec son prédécesseur. Les efforts sont principalement concentrés sur la production, d’une remarquable pureté pour du soi-disant Depress Black Metal et sur les ambiances mortuaires. Rassurez-vous, FORGOTTEN TOMB n’a pas laissé la recette de son succès au vestiaire et continue de distiller habilement des ambiances tombales dans sa musique. Le résultat est glaçant de cynisme, parce que ces mecs savent que leur nom fait frissonner. Et ils s’efforcent de déjouer tous les pronostics en proposant des morceaux aux structures plus imprévues que jamais. Seulement, si la maitrise technique reste la même, l’effet de surprise s’est évaporé. La grande force de Negative Megalomania résidait dans sa simplicité : cinq morceaux très cohérents dans la durée et dans l’intensité, plus d’une heure d’un Metal noir comme l’ébène et pourtant si lumineux. Under Saturn Retrograde est plus chargé, plus détaillé. Composé de neuf titres assez inégaux (le plus long morceau, « You Can’t Kill Who’s Already Dead » est à peine trente secondes plus long que le plus court morceau du précédent disque), il a besoin d’anecdotes pour briller. L’excellente reprise des STOOGES avec « I Wanna Be Your Dog », les voix viriles et érotiques de « Joyless » ou la deuxième partie de l’éponyme (« Under Saturn Retrograde Part II »), à l’ouverture calme et apaisante, seront autant de petits faits de jeu qui feront tout le contraste de ce full-lenght. En de ce fait, on ne peut s’empêcher de penser que cette sortie, tout en consolidant l’assise offensive de FORGOTTEN TOMB, est peut-être la moins aboutie de leur discographie.

Son plus gros défaut est certainement d’intervenir directement après Negative Megalomania sans opérer de changements majeurs, si ce n’est de durer moins longtemps et d’avoir plus de pistes. Très peu surprenant mais toujours aussi efficace, Under Saturn Retrograde est loin de faire tâche au cœur d’un C.V d’une richesse incroyable. Mais quand même… Ces garçons nous avaient habitués à une telle inconstance musicale que le peu de régularité qui régit leur cinquième bébé laisse forcément un gout d’inachevé en bouche. Surement le gout du sang.