Je suis content. Parce que j’ai entre les mains un album de Heavy Metal progressif et que j’ai comme l’impression que ça va me changer. Non, vous ne rêvez pas, je suis en train de dire du bien d’un groupe pour lequel les blasts et le chant de porc ne sont pas des préoccupations premières. Avant de l’écouter, j’étais content. Mais ça, c’était avant. Fondé à l’aube des années 2000 à Québec, SOUTHERN CROSS est un groupe tout ce qu’il y a de plus typique. J’aurais aimé dire atypique, mais je ne vois rien dans leur parcours qui puisse en faire un groupe unique. Après un premier album intitulé Rise Above et sorti en 2006, les Canadiens ont fait marche arrière en 2009 avec Down Below, qui précède le petit dernier, From Tragedy, fraichement paru en février 2012. L’objet de ce papier ne sera donc ni l’ainé, ni le benjamin de leur discographie mais bel est bien ce fameux Down Below qui m’a donné beaucoup de fil à retordre.

Pour la simple et bonne raison que derrière les efforts évidents consentis pour sortir quelque chose de travaillé et de composé, il y a un blocage terrible qui se fait. Je ne sais pas trop de quelle planète débarquent ces garçons, mais c’est à peine s’y on y a découvert le feu. C’est comme si le temps s’était figé. Rétrograde dans ses structures mais jouissant d’une production moderne, Down Below est coincé entre le marteau et l’enclume. Il ne faut pas chercher bien loin pour s’en convaincre. Après d’excellents débuts qui présentent une formation pleine de bonnes dispositions, c’est la déconfiture. Et c’est frustrant, parce que j’avoue avoir terriblement accroché sur le refrain lunaire d’« As Goodwill Falls » ou sur les rythmiques galopantes de « Thirteen ». Il y a du talent chez SOUTHERN CROSS, mais je pense qu’il est utilisé à tort et à travers. La base Heavy Metal est bien présente et il y a tout pour nous mettre à l’aise : les solos brossés, les tempos épiques, les mélodies aériennes et surtout, un putain de chanteur d’sa mère, qui évolue pourtant bien loin du registre classique. Seulement voilà, si ce Metal est très musical et très volubile, il est encore un peu tendre, notamment dans les riffs de la guitare rythmique, qui doivent être à mon avis beaucoup plus marqués. Idem pour les arrangements, constitués majoritairement de pianos et de nappes de claviers, qui sont clairement trop timides pour qu’on se sente pousser des ailes. Un peu cheap sur les bords, Down Below brille dans ses moments les plus sobres. A l’inverse, une composition vocalement surjouée comme « Something Vile » donne la très désagréable impression d’un Metal obnubilé par l’idée de verser dans la comédie musicale. Il ne manque que les costumes extravagants pour s’y croire. Cette tendance qu’a SOUTHERN CROSS à vouloir trop broder sa musique rompt totalement le charme primaire de cet album. Il y a cent fois trop de décorations futiles, cent fois trop de complexité et on regrette du coup que les Canadiens n’aient pas fait le choix de rester plus simples. Extrêmement mélodique mais n’apportant jamais une réelle transcendance à son auditeur, voilà donc un opus vêtu d’une terrible fatalité.

Il y a une flamme qui brille en SOUTHERN CROSS. Mais pourquoi diable se compliquer la vie ? Je conçois entièrement que le Heavy Metal, surtout quand il est progressif, nécessite de la broderie et un chouïa de bling-bling. Mais si c’est pour qu’on le retrouve claudicant, errant comme une âme en peine dans une folle traversée du désert, à quoi bon ? Je crois définitivement que le propre de ce style musical est d’emporter son public dans un univers à part, qui soit féérique sans être obsolète. Et j’en suis désolé, en dépit de passages forts intéressants, Down Below ne m’a fait aucun effet de ce type.