Bon j’avoue. Pas la peine d’insister. Autant un groupe de Heavy Progressif peu inspiré et se contentant de reproduire les recettes de ses grands frères peut me faire chier au bout de dix secondes, autant un album réussi du même style me donne matière à m’enthousiasmer jusqu’à la fin de l’année.
Lecteurs assidus, vous ne serez certainement pas passés à côté des trois précédentes chroniques d’ANUBIS GATE, et si vous parcourez en ce moment ces lignes, c’est que le talent des Danois ne vous aura pas non plus échappé. Grand bien vous en fasse, car il eut été dommage de manquer le feu d’artifice qu’est le grandiose The Detached.
Bon, ok, second aveu de la soirée, si je rédige ce texte en cette fin de journée plutôt morne d’ailleurs, c’est sur les conseils d’un ami, qui m’a plus que grandement conseillé de jeter une oreille avisé sur le dernier méfait des nordiques (merci Dom !).
Mais quelle suggestion judicieuse ! Enfin un groupe qui a compris que les cavalcades permanentes et les démarquages plus ou moins habiles de pierres angulaires déjà vues et revisitées ne menaient nulle part !
Et on se retrouve au final en face d’un album aussi varié qu’homogène, performance revitalisante pour un style qu’on croyait bien trop encombré par les tacherons pour survivre encore cinq ans. A l’instar d’un QUEENSRYCHE au sommet de son art, ou d’un STRATOVARIUS débarrassé de ses tics commerciaux ou trop pompeux au contraire, ANUBIS GATE n’oublie pas qu’avant d’en mettre plein la vue avec des démonstrations/masturbations instru-mentales, il faut d’abord composer de bonnes chansons. Dont acte. The Detached est truffé de mélodies enchanteresses et de rythmique explosives, de chœurs divins et d’arrangements subtils, de riffs démoniaques et de soli vengeurs, j’en passe et des meilleures.
Au niveau des réalisations tenant du sans faute, il faut derechef vous jeter sur les gros morceaux que sont « Out Of Time » et ses nappes vocales chatoyantes, « Yiri », digne de figurer sur l’immortel Images And Words de DREAM THEATER, tant son aspect Pop est transcendé par une progression fabuleuse, « Lost In Myself » et son MASTERPLAN du meilleur cru, « Bloodoath » et son côté technoïde renforcé par un solo qui vous envoie dans les étoiles, « Dodecahedron » pour ses passages Thrash nuancés par des arrangements très fouillés, l’intermède « Ammonia Snow » pour la beauté de ses lignes de chant, l’épique « Options-Going Nowhere » pour ses variations léchées et son optique résolument novatrice, et le très influencé Empire « A Lifetime To Share ».
Mais me direz vous, qui y’a-t-il à jeter ? Et bien justement pas grand-chose, et si je poussais mon euphorie un stade plus loin, je dirais même rien ! Et je le fais céans ! The Detached est une réussite totale, à ranger dans la catégorie "Grand album du mois", voire de l’année, même à peine un tiers entamée !
Et je reste la dans l’objectivité la plus totale, car il ne s’agit pas là d’une clémence passagère envers un courant que j’ai égratigné plus qu’il ne le méritait sans doute, mais bel et bien d’un jugement impartial sur une pièce musicale impériale.
Des musiciens qui jouent et ne surjouent pas, un chanteur qui ne cherche pas à s’égosiller pour prouver qu’il peut atteindre des notes plus aigues que son voisin, et une section rythmique créative, au service des morceaux et pas en quête de la palme de la double croche passée le plus rapidement possible m’auraient ils réconcilié avec Le Heavy Progressif ?
C’est possible, mais pour rester dans les limites de la pondération, je dirais tout simplement qu’ANUBIS GATE accouche là de son meilleur album et se permet au passage de redéfinir quelques notions qu’on croyait périmées depuis qu’une armada d’indigents nous avaient fait confondre musique riche et intelligente et remplissage de bêtes de foire.
A savoir qu’il faut d’abord apprendre à marcher avant de courir.
Et qu’avant une longue démonstration, il faut un théorème solide.