La Norvège, ses vocables imprononçables, ses musiciens affables et plein d'empathie, ses fjords hauts en couleurs et qui réchauffent les corps. Halte aux lieux communs. Certes, la Norvège n'est pas l'emblème d'un exotisme torride, mais qu'importe, elle nous a offert certains des courants musicaux les plus fascinants, et continue en 2015 d'abreuver nos conduits auditifs de confiseries de l'âme, aussi acides qu'hallucinogènes.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Aujourd'hui, nous nous rendrons à Trondheim je vous prie, pour aller à la rencontre de noms fameux, tout du moins pour les fans de KEEP OF KALESSIN. Mais si l'on retrouve au casting de KHONSU des habitués, ça n'est pas pour autant que leurs choix sont les mêmes et immuables d'un projet à l'autre.
Certes, nous définirons les inclinaisons de S. Gronbech comme partie intégrante du mouvement Black, mais en apportant la précision Indus qui découle de sa musique. Black certes, mais à la MAYHEM de Grand Declaration, puissant, maléfique, froid, clinique et relativement humain dans son approche glaciale de la violence.

Mon collègue CyberIF. avait trempé sa plume dans l'enthousiasme lors de sa chronique d'Anomalia il y a trois ans. Je ne tempèrerai pas ses ardeurs ici, mais les partagerai, même si mon travail fut certainement plus simple que le sien. Et puisque Traveller reste un EP (quoique sa durée atteigne sans problème celle d'un LP un peu radin), je choisirai bien mes mots pour ne pas gloser des heures et perdre de l'impact nécessaire à l'analyse de ces quatre/cinq titres. Sur cinq morceaux au total, trois peuvent être considérés comme tels. Si l'on excepte l'intro, plaisante mais transitoire, l'affaire débute violemment par "IX", sommet de Black cybernétique qui ne fait aucun cas d'une empathie quelconque. Climat EMPEROR/THORNS, pattern rythmique à rendre Hellhammer jaloux, arrangements grandiloquents et voix d'outre tombe, le tout compressé au delà de toute raison pour accentuer l'aspect glacial de l'ensemble. S'ensuit une cover fabuleuse du "Army of Me" de Björk, traitée selon les préceptes Black modernes en vigueur. Sans manquer de respect au reste de Traveller, c'est évidemment le centre de gravité de l'affaire, tant le lifting offert au morceau de l'énigmatique islandaise est total, au point qu'il devient très difficile de reconnaître la structure originale. Une fois de plus, autour du coeur même de la composition gravitent moult arrangements synthétiques qui loin d'offrir un ornement futile l'enrichissent.

Et après un court segment purement Cyber Black, "Visions of Nehaya", qui alterne les parties furieuses et les tensions lourdes, la conclusion nous est offerte par un remix de "The Malady" qu'on trouvait sur leur premier album. Nous gravitons pendant plus de sept minutes en plein terrain EBM/Indus, et là aussi, le cas n'est pas surfait. On aurait pu penser que clôturer un EP de moins d'une demi heure par un regard sur le passé l'aurait condamné à une redite redondante, mais l'ambiance FEAR FACTORY/RHYS FULBER/SKINNY PUPPY alterne le chaud et le froid, se développe dans des atmosphères sidérales, et achève de nous convaincre de la richesse et du mystère entourant le monde décidemment à part de KHONSU.

Du Black, à n'en point douter, des développements progressifs et envoûtants, une richesse instrumentale indéniable, le tout enveloppé dans un joli tissu électronique, il n'en fallait pas plus pour être séduit, et se remettre la galette plusieurs fois d'affilée. Histoire de se retrouver dans un vieux local norvégien, un après midi d'hiver, pour mixer à la perfection des influences qui finalement s'accordent à merveille. Un album presque parfait, un EP/intermède pertinent, espérons que les aventures de KHONSU continuent, et nous donnent encore envie d'aller faire un tour au pays de la nuit éternelle.