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UGLY KID JOE (usa) - As Ugly As They Wanna Be (1991)






Label : Stardog
Sortie du Scud : octobre 1991
Pays : Etats-Unis
Genre : Heavy Fusion
Type : EP
Playtime : 6 Titres - 25 Mins





Après l’euphorie des 80’s, décade clipesque de néons aveuglants et de chaussettes fluo aux teintes pleines de bon goût, les années 90 ne furent pas propices à la rigolade. Le Heavy Metal allait mal, très mal. Il gisait comme un animal blessé au milieu de la savane musicale, attendant le coup de grâce porté par l’Alternatif, nouvelle AOC made in MTV. Coup de grâce qui, s’il fut d’une violence rare, ne fit que porter une estocade sévère qui ne condamna pas l’animal. Il avait survécu au Punk, à la New-Wave, à la Post New-Wave froide comme une lame de rasoir, et il devenait évident que même ces bûcherons en chemise à carreaux ne feraient pas plus le poids.
Car nous avions besoin de cette adrénaline. Nous avions besoin de ces guitares stridentes et de ces envolées lyriques débordant de testostérone. Un exutoire ? Une catharsis ? Non, juste du fun, de l’énergie, et de l’espoir. C’est parfois la seule chose qu’il nous reste d’ailleurs.

Ces mêmes années 80 furent aussi le décor de toutes les extravagances, de POISON et sa Pop Metal peroxydée et étouffant sous le mascara, à ROGUE MALE et son look piqué au Mel Gibson de Mad Max II, la retenue n’était pas de mise. Thrash, Glam, Hard FM, quel que fut votre clan, vous n’admettiez pas que quelque part, il y avait une part de too much dans tout ça. Les dragons, les diables au rire sarcastique, c’était votre univers. Et le Grunge eut tôt fait de ramener tout ce barnum à une dimension plus humaine, plus raisonnable. Et comme dans ces salles de classe où le sérieux est de rigueur lorsque le prof commence sa démonstration au tableau, le monde du Metal fut secoué en cette année 1991 par un bouffon sans foi ni loi, qui savait se moquer de tout et de tout le monde, y compris de lui-même.
Puisque nous parlions des dérives des 80’s, comment ne pas aborder le cas de PRETTY BOY FLOYD, quartette ineffable engoncé dans des tenues de latex improbables, et dont le visage tartiné de fond de teint réclamait d’urgence un peu d’air ? Mais quelle importance me direz-vous, quelle trace ont-ils laissé dans l’histoire de la musique ? Aucune je vous l’accorde. Mais ils auront au moins eu un mérite. Celui d’avoir permis à la bande à Whitfield Crane de se trouver un nom de baptême.

UGLY KID JOE. La blague démarrait bien, c’est sur. Mais est ce que la chute allait être à la hauteur de l’entame ? Plus que ça. Et si vingt ans après, elle fait toujours autant rire, c’est que ses narrateurs avaient un don certain pour le comique de situation qui dure. Le sens de l’autocritique, et un amour certain pour la musique dont ils dénonçaient gentiment les travers. Tout en pouvant compter sur une pratique instrumentale solide. Combinaison fatale isn’t it ?
Et quelle pochette… Comment pouvait-elle mieux représenter notre communauté, avec ce kid planquant sa bière et faisant un joli doigt d’honneur aux convenances et à la bienséance? Car qu’étions-nous après tout, si ce n’est une bande de branleurs refusant de grandir, et désireux de rester un peu plus dans ce doux cocon de gentille rébellion, bien au chaud chez nos parents, comme des Wayne Campbell adulescents et au final, attachants ?

Sous les pavés, la plage. Le clip « Everything About You » en est la preuve formelle. Mais c’est avant tout un tube monstrueux. Comme si les BEACH BOYS de « Fun, Fun, Fun » se tapaient une partie de Beach Volley contre l’OAR de « Wonderful Day », sous l’arbitrage inflexible d’Andrew WK. Un riff de guitare aussi évident que facilement mémorisable, un binaire estival, un chant goguenard et faussement séducteur, c’est le tube de l’été version glace à la vanille qui tombe par terre, sous les yeux d’un pauvre gosse qui chiale dans les jupes de sa mère. Mais n’oublions pas cette reprise en fin de morceau qui tombe dans le Thrash N’Funk version MINDFUNK light, et qui génère une scène de headbanging furieux sur le sable de Californie. Crétin, mais addictif. Simple, mais pas simpliste. L’imbécillité intelligente qui sait exactement où elle veut en venir.

« Whiplash Liquor » est d’ailleurs bâtie sur ce même moule. Avec un phrasé rap pas vraiment assuré et des paroles white trash assumées, c’est le leitmotiv ultime des losers de banlieue middle class, des wannabe ultimes qui troqueraient bien leur faux-semblants contre une réelle street attitude. Whitfield (Jack White et James Hetfield ? Pas impossible…) mixe en free lance le flow des BEASTIE et le gosier gravos et chargé de Sebastian Bach, tandis que son backing band essaie de rester à flots en proposant une syncope bancale et pourtant ironiquement stable. On fait semblant d’être débile pour pouvoir passer inaperçu dans la foule et mieux casser les burnes. Ca fonctionne, et plutôt deux fois qu’une.

« Sweet Leaf/Funky Fresh Country Club », c’est bien sur un hommage aux pères fondateurs du Heavy Metal (les zigues reprendront aussi le cultissime « N.I.B. »), mais aussi un clin d’œil appuyé à la Ganja dont tous les surfeurs sont si friands. Car les UGLY KID JOE aiment le Heavy, tout autant que le délire. Ca commence donc par un ciel bien couvert, menaçant d’orage, pour finalement s’étaler sur plus de cinq minutes dans un Metal Funk plus plombé que celui des RED HOT, mais tout aussi crédible. Le groupe a réussi à trouver le parfait équilibre entre l’agressivité des guitares et l’élasticité de la rythmique. C’est fun, mais sans être grotesque. Jamais trop, toujours dans la balance. Parfait. C’est en fait une caution pour s’éclater sans avoir l’impression de trahir ses codes.

Mais le JOE sait aussi rester traditionnel, comme le prouve le très solide « Too Bad » et ses presque six minutes de classissisme Heavy. Et le « Too bad, too bad, too bad Johnny » du refrain est si entêtant que la pilule passe sans problème et ne vient en aucun cas gâcher la bonne humeur de l’ensemble. Un élément supplémentaire à charge, et l’assurance que l’on a affaire à de vrais musiciens capables de rester concentrés sur un thème solide et convaincant.

Et après avoir donné le signal de départ du Party avec un « Madman » somme toute assez sobre, il fallait bien sur clôturer la soirée avec un cri de guerre, et sonner la cloche du dernier happy hour assez fort pour réveiller même les nauséeux les plus déchirés. « Heavy Metal » ? Bah tiens…Trente seconde de Thrash Metal dans les règles, qui s’achèvent sur une gueulante que le grand Rob n’aurait pas reniée. Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures ? C’est un fait, et UGLY KID JOE l’avait parfaitement compris. Vingt cinq minutes de délire et tout le monde rentre à la maison, exténué, mais parfaitement ravi d’avoir fait la fête jusqu’à pas d’heure.

As Ugly As They Wanna Be, fut le EP introductif parfait dont beaucoup de groupes rêvent. C’était un flyer chatoyant, annonçant une des dernières fêtes des 90’s, avant que la morosité ambiante ne vienne éteindre les rires et vider définitivement les fûts de bière. Essentiel parce que futile. Rapide mais durable. Comme un dernier été passé avec les potes avant de prendre le chemin de la vie active. Une dernière murge avant la gueule de bois de la maturité, dont on se rappelle des années après avec un sourire crétin et nostalgique sur les lèvres. Ensuite, le KID entra de plein pied dans l’âge adulte, sans toutefois se départir complètement de ce sens de l’humour potache. Le groupe alignera des albums toujours intéressants, aux titres pastiches plus ou moins inspirés (America’s Least Wanted, qui reprendra « Everything About You » et « Madman » dans une nouvelle version, et qui nous offrira la jolie reprise « Cats In The Cradle », toute en nuance, Menace To Sobriety, le dernier LP pour Mercury, en demi-teinte, et le final Motel California), mais ne retrouvera bien sur jamais la candeur et la spontanéité de ce premier EP, qui sera d’ailleurs le premier format Extended Play a devenir multi platine. Comme quoi, on peut faire un doigt d’honneur au biz’ tout en lui faisant les poches.

Drôle non ?



Ajouté :  Vendredi 03 Février 2012
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  Ugly Kid Joe Website
Hits: 11332
  
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