SHINING (se) - VII: Född Förlorare (2011)
Label : Spinefarm Records
Sortie du Scud : 2011
Pays : Suède
Genre : Black Metal
Type : Album
Playtime : 6 Titres - 42 Mins
Si vous n’êtes pas intime de la musique de SHINING, ne vous fiez pas à la catégorie dans laquelle je les ai classés. Il faut parfois passer par des raccourcis simplistes pour gagner du temps et de la cohérence, mais leur style est tout sauf du Black Metal tel que vous pouvez le connaître. Il est beaucoup plus que ça, plus intelligent, plus travaillé, plus « personnel » en somme.
Septième album pour les suédois, mené d’une voix de fer par l’estimable Niklas Olsson (ou Kvarforth, ou Ghoul, peu importe l’alias…), et dire que VII: Född Förlorare redresse la barre d’un navire dont la traversée avait été troublée par la déception de VI: Klagopsalmer est un doux euphémisme.
Comme dit précédemment, SHINING, c’est beaucoup plus que du Black Metal. Des ténèbres, les suédois ont retenu la noirceur, le désespoir bien sur, les guitares acrimonieuses, et parfois, les rythmiques effrénées. Mais derrière cette superbe pochette nihiliste, où le sordide le dispute à la misère visuelle, se cache une musique si riche, qu’il devient absurde de vouloir la décrire par des épithètes précises et incongrues au final. Et tenter de raccrocher le groupe à quelques racines connues serait une insulte à leur créativité, une intrusion inacceptable dans leur univers si personnel.
Pour résumer, SHINING est unique, et c’est tant mieux comme ça.
Six titres seulement sur ce septième effort, mais tellement opulents et remplis d’idées, qu’il aurait été superfétatoire d’essayer de caser une seule minute supplémentaire. Telle la bande originale d’une vie complète, VII: Född Förlorare est une osmose d’émotions contradictoires et pourtant complémentaires. La peur, la joie, la nostalgie, les regrets, l’excitation, la déception, sont parfaitement mis en musique, et les passages délicats à la guitare acoustique le disputent aux couplets sombres et quasi inhumains. Une fois de plus, il convient de souligner tout le travail accompli par Niklas au chant, qui arrive à nous coller la chair de poule avec ses incantations vocales tantôt plaintives, parfois mélancoliques, et de temps à autres littéralement sépulcrales. Il ne chante pas, il susurre, il hurle, il gémit, il roucoule. Plus qu’un chanteur, c’est bien dans un rôle d’acteur que se complait le bien nommé Kvarforth, et il porte vers des sommets des morceaux qui n’attendaient que ça pour devenir véritablement incarnés. Il nous offre ses vues sur la vie, la société en général, et force est d’admettre que le constat final n’est pas des plus optimistes.
Après une courte intro au son d’un vinyle fatigué, hanté par la voix malsaine d’une jeune fille s’obligeant à chanter quelques vers euphoriques, le groupe rentre en lice avec son cortège de riffs pesants, encore plus tassés par une rythmique écrasante. La voix souffre, les visages se congestionnent, mais dès l’ouverture de « Tiden Läker Inga Sår », l’ambiance générale change, et les doux arpèges se posent délicatement sur une ligne vocale sublime de pureté, avant bien sur que la machine dépressive ne s’emballe une fois de plus. « Människa O'Avskyvärda Människa », emblématique de la démarche du groupe, permet à Chris Amott de nous offrir un solo de toute beauté, concis, mélodique et pourtant parfaitement intégré à la noirceur environnante. L’utilisation constante d’instrumentations à la base étrangères au style extrême confère à l’ensemble une aura très particulière, et lorsque Niklas juxtapose son chant torturé à celui beaucoup plus apaisé de Nordman sur le phénoménal et épique « Tillsammans Är Vi Allt » (« Together We Are Everything », titre judicieux et fort pertinent), les émotions se confondent, et l’auditeur se trouve face à sa propre Némésis, seul juge de son existence.
S’il convient d’admettre que la musique est plus qu’un art censé nous divertir, mais bien une catharsis dont il est nécessaire d’extraire notre propre devenir, alors « I Nattens Timma » en est l’illustration parfaite. Quatre minutes de piano/voix extatiques, une illusion magique, un intermède indispensable. La beauté irréelle qui se dégage de ce morceau est intangible, et pourtant si concrète. Il serait pourtant inutile d’apposer des mots sur ces sensations.
Et le final syncrétique de « FFF » est plus qu’évident, il est lénifiant. C’est la conclusion logique de cette histoire commencée dans une fausse lumière, et qui s’achève au plus profond des racines de l’humanité.
VII: Född Förlorare est finalement un postulat d’opposition. L’aventure de SHINING fut à l’origine dédiée à la mort et son éternité d’expiation, elle se poursuit comme un combat vital, comme une attestation que la vie, certes morose et en permanence source de souffrance, mérite d’être vécue, ne serait ce que pour exprimer son ressenti face à l’injustice des blessures qui s’accumulent. Au-delà de toute philosophie, et pour rejoindre une trivialité descriptive, c’est aussi le chef d’œuvre d’un groupe qui n’a de cesse de poursuivre son propre but, hermétique à toute invective extérieure, et qui propose une musique si évolutive et luxuriante qu’il mérite un concert de louanges ininterrompu.
Mais le plus bel éloge que l’on puise faire à ce disque, c’est de l’écouter, encore et encore. Comme on se lève chaque matin en espérant que le jour d’aujourd’hui sera plus clément que celui d’hier, tout en réalisant désespérément, qu’il sera identique dans sa froideur.
Ajouté : Vendredi 27 Mai 2011 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Shining Website Hits: 16100
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