Cette fois c’est la bonne, SUSPICIONA prend enfin son envol après une période de stagnation longue de six années qui commençait légitimement à devenir inquiétante. Eux qui n’avaient sorti qu’une maigre démo (The Cursed Race en mai 2007) démarrent 2009 avec de toutes autres résolutions. Preuve en est avec An Inner War, premier EP du quintette français et une volonté affirmée de se produire sur les planches. Et à l’écoute de cet effort, il serait bien injuste que le combo ne se fasse pas sa place au soleil.
Car l’inspiration est là. C’est d’ailleurs sur ce point que j’ai été le plus agréablement surpris. Plus que la qualité intrinsèque des zicos, ce sont les ressources de chacune des cinq pistes qui m’ont bluffées. SUSPICIONA, grâce à une distillation parfaite des claviers, parvient à donner à son Death/Black Metal le qualificatif « mélodique » voire « symphonique ». Pas une mince affaire. Et si en plus, cette transition est effectuée avec talent… Car oui, dès « Forest Of Lies », on comprend que nos cinq coqs ne sont pas là pour pavaner. De l’introduction mystique à la DIMMU BORGIR au leitmotiv ravageur, le groupe fait preuve d’un incroyable professionnalisme. On se croirait presque en Norvège. Le chant d’Aurélien est aussi un sérieux atout dans la réussite de l’EP avec ses intonations qui rappellent sur de nombreux phrasés un certain Legion (ex-MARDUK, DEVIAN). Autant dire que sa prestation est un succès qui vient souligner les capacités du garçon. An Inner War fait aussi jouer une production très propre, œuvre d’André Bermudez du Dedy Studio. Le résultat fut « au-delà de nos attentes » pour la formation. Elle n’est pas la seule à avoir été conquise par ce travail. Plus les minutes passent, plus on se dit que il y’a vraiment quelque chose à faire pour SUSPICIONA. Moi qui suis un peu en froid avec la scène française, me voilà rassuré. Il demeure dans notre beau pays des jeunes qui en veulent, des jeunes qui ont des idées, des jeunes qui ne surfent pas sur la mode pour s’en mettre plein les fouilles. Ils font parti de ceux-là. « The Inner Storm », « Our Last Breath » vous feront oublier que n’est pas doté de facilités qui veut. Il y’a clairement eu une recherche, un boulot monstre effectué pour sortir des compositions de cette trempe. Il est absolument impossible de créer des nappes de clavier de ce calibre sans un minimum de conviction. Les garçons ont un cœur gros comme ça, ils ont foi en leur musique. Pareille sincérité ne pourra duper personne, SUSPICIONA fait parti de ces étoiles filantes qui transforment une nuit noire en un instant magique. An Inner War m’a fait décoller les pieds du sol et m’a emmené dans ce fort, représenté sur la pochette qui s’apprête à essuyer une déferlante. Pour chipoter, on dira sans conviction que la basse est inexistante, qu’un label leur permettrait d’exprimer encore plus aisément leurs opinions et donnerait une dimension titanesque aux claviers. Mais il est inutile de chercher à gâcher ce moment d’extase et d’évasion. Mon seul réel regret est de n’être en présence que de vingt-deux petites minutes de matière première.
Je suis intimement convaincu que la horde peut faire quelque chose de grand dans notre scène. Après tout, nous n’avons pas de représentant digne de ce nom dans le domaine du Black/Death Symphonique. Alors pourquoi ne pas prendre les rennes ? Pour cela il ne manque sans doute qu’une diffusion massive de cet enregistrement et que l’effet « bouche à oreille » tienne ses promesses. Aujourd’hui, en tout cas, je suis très fier d’y contribuer.