Tous les groupes ne sont pas capables d'utiliser les claviers à bon escient. C'est un choix osé, voire un peu casse gueule. Qu'ils soient employés par petites touches subtiles pour souligner un mouvement, ajouter de la profondeur, une certaine douceur, une certaine langueur ou qu'ils soient mis sur le devant de la scène, comme un élément central de la compo. Car il faut bien doser l'apport. Le risque est toujours présent de glisser vers Richard Clayderman plutôt que vers Ray Manzarek. On se doit de faire preuve de discernement et de clairvoyance. Et ça, les lyonnais de SUNDER l'ont parfaitement assimilé. Leur debut album, Sunder est un manifeste à haute densité émotionnelle en faveur de la réhabilitation des claviers dans le Rock psychédélique.

SUNDER est un jeune vieux groupe. C'est le reboot du groupe THE SOCKS. THE SOCKS était un quatuor lyonnais qui a sorti deux EP entre 2011 et 2012. Le gang proposait un bon Stoner honnête et tonitruant, mais sans grande originalité. Début 2014, THE SOCKS sortait son debut album éponyme, un son Rock psychédélique vintage dans la lignée de KADAVAR ou GRAVEYARD. Et un peu plus d'un an et demi plus tard, le même gang change de nom et sort un nouvel album éponyme, toujours dans le genre Rock Revival. Telle la chrysalide devenant papillon, THE SOCKS devient SUNDER. On reprend exactement les mêmes musiciens, soit Julien Méret (Guitare et chant), Jessy Ensenat (baterrie), Vincent Melay (basse) et Nicolas Baud (farfisa, mellotron & background vocals) et on recommence. Sauf qu'en guise de recommencement, SUNDER est une invitation à un voyage dans le temps, confortablement installé sur la banquette arrière d'un minibus Volkswagen en compagnie d'une bande de chevelus en route pour un stage de Sitar dans un ashram de Pondichery.

SUNDER a choisi de mettre en avant les claviers de Nicolas pour créer une ambiance groovy et haut perchée. On ne parle pas de nappes discrètes qui viendraient ponctuer une musique suave et sinueuse ou souligner un break. C'est plutôt l'inverse. Les claviers donnent le ton, comme sur le très beau morceau d'ouverture "Deadly Flowers" dont l'intro est une envolée d'orgues hautement fuzzés. Autre ingrédient de choix, le chant de Julien, on peut dire en toute simplicité que le vocaliste sait chanter et donner vie à son interprétation avec des syllabes traînantes, des variations chromatiques s'ajustant à l'ambiance de chaque morceau, se renouvelant sans cesse. Le timbre de Julien a un petit quelque chose des BEATLES, effet accentué par une voix systématiquement doublée et des back voice omniprésents. La rythmique tout en groove, les percus soyeuses et une production très naturelle, respectueuse de l'intention du projet sont les ultimes ingrédients de cet agréable mélange.

Difficile de croire qu'on a affaire à un debut album. Sunder est un opus mature qui n'a pas ce défaut de jeunesse consistant à recopier sans grande subtilité les morceaux phares des groupes dont on s'inspire. Tout au contraire, le gang a ingurgité et digéré ses influences pour proposer une musique évocatrice, vintage à souhait, mais qui honore sans recopier. A l'écoute du méfait, on pense un petit peu aux BEATLES (notamment sur "Cursed Wolf" et "Lucid Dream"), aux premiers albums de PINK FLOYD mais aussi à tous ces groupes qui ont jalonné les années 60, laissant ici ou là un tube impérissable avant de sombrer dans l'oubli. Ainsi le très mélancolique "Bleeding Tree" et son émouvant solo de guitare final qui sonne comme un chant du cygne.

En dix petits morceaux ne dépassant pas les quatre minutes, les lyonnais démontrent qu'on peut faire du Rock revival sans sombrer dans la caricature. Un sans fautes.